Collaboratrice « discrète » ou « fictive » ? Penelope Fillon sous un feu de questions
Penelope Fillon était-elle réellement la collaboratrice parlementaire de son mari ? La discrète épouse de l’ancien Premier ministre, jugée à Paris pour des soupçons d’emplois fictifs, a laborieusement répondu jeudi aux salves de questions lors d’une audience sous tension.
« C’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de preuves concrètes de ce que je faisais », finit par lâcher Penelope Fillon, droite à la barre du tribunal correctionnel, après cinq heures de débats.
Le parquet national financier (PNF) venait de lui rappeler les rares traces écrites de son travail d’assistante parlementaire auprès de son époux député de la Sarthe, mais aussi d’anciennes déclarations à la presse. En 2007, après plus de vingt ans de collaboration, elle disait « (aimer) observer le monde au travail ».
« J’ai toujours travaillé en retrait, en observation », tente de se justifier Mme Fillon, 64 ans, serre-tête noir dans ses cheveux argent.
– Vous êtes une travailleuse passive, c’est assez surprenant comme concept! », raille l’un des deux procureurs, Aurélien Létocart.
Tout l’après-midi, Penelope et François Fillon sont la cible d’un feu roulant de questions. Pour la défense, elle a réellement exercé auprès de lui le travail d’assistante parlementaire. Pour l’accusation, ils ont détourné plus de 400.000 euros d’argent public entre 1998 et 2002 puis en 2012 et 2013.
– « C’est mon mari » –
Voix posée, léger accent britannique, Penelope Fillon s’évertue à expliquer qu’elle travaillait bien, tout en ne s’intéressant ni à ses salaires, ni à ses contrats. Elle raconte avoir joué « dès le début » le rôle de « relais » entre son époux et « les habitants ».
Tous deux affirment qu’elle s’occupait du courrier arrivé au manoir de Beaucé – « des dizaines et des dizaines » de lettres hebdomadaires selon François Fillon, « 35-40 » d’après son épouse – mais aussi de l’agenda local, de « petites revues de presse », de relire ses discours et d’effectuer des « remontées de terrain »…
Pour ses premiers pas dans la Sarthe, après l’élection de François Fillon à l’Assemblée nationale en 1981, cette Galloise diplômée de lettres est rémunérée par son mari pour des études ponctuelles aux intitulés nébuleux: « L’aménagement du bocage sabolien », « Etudes générales », « Organisation du secrétariat »…
Qui décidait des thèmes ? « C’est mon mari ». De l’argent ? « Mon mari ». D’un passage temporaire à mi-temps ? « Mon mari » aussi.
Ces rapports n’ont pas été retrouvés. Les contrats de travail correspondants, si. « Pourquoi ? », demande la présidente, Nathalie Gavarino. « Les rapports, je les ai donnés à mon mari », assure Mme Fillon.
Au fil des différents emplois occupés par Penelope Fillon, des années 1980 à 2013, sa rémunération varie. « C’était une variable d’ajustement par rapport à l’enveloppe disponible » du « crédit collaborateur », en vertu des « règles de l’Assemblée », soutient l’ex-Premier ministre, interrogé à sa suite.
Lui-même, assistant parlementaire de son ancien mentor à la fin des années 1970, avait dû rédiger une étude sur « l’avenir du chemin de fer Mamers-Saint-Calais », glisse-t-il.
Pour le reste, François Fillon, parfois hautain, souvent irrité, invoque la « séparation des pouvoirs » à chaque question portant sur l’organisation du travail de ses assistants. « Je n’ai de comptes à rendre à personne », affirme-t-il crânement.
– « Empathie totale » –
Tous les contrats antérieurs à 1998 sont prescrits. Mais le tribunal s’interroge: pourquoi Mme Fillon a-t-elle omis de les évoquer lors de sa première audition devant la police ?
« J’étais vraiment sous le choc, ça m’était sorti de la tête.
– Mais Madame, objecte poliment la présidente, une première expérience professionnelle, de premiers salaires, ça marque quand même ! »
Quid de la compatibilité de tous les emplois de Mme Fillon, qui cumulera en outre le travail de collaboratrice avec celui de « conseiller littéraire » à la Revue des deux mondes entre 2012 et 2013, avec une vie familiale chargée ?
Les procureurs pointent la concomitance entre les naissances des enfants Fillon et les premiers contrats de leur mère, qui n’a jamais posé de congé maternité: « On a l’impression qu’à mesure que les besoins financiers de votre famille augmentent, on trouve de nouvelles ressources par l’intermédiaire de ces contrats », ironise Aurélien Létocart.
Devant la présence à la barre de Penelope Fillon, qui a toujours fui les projecteurs, « nous compatissons », « nous avons mal pour vous », osent les procureurs. « Je suis en empathie totale avec votre cliente, maître », lâche Bruno Nataf à son avocat, « peut-être plus que vous ». Tollé sur les bancs de la défense, grondement de François Fillon.
Le procès est prévu jusqu’au 11 mars.