Blindés high tech et guerre de l’info: l’armée française se prépare aux conflits de « haute intensité »
Face-à-face de chars, cyberattaque et campagnes de désinformation. L’armée de Terre française a offert jeudi une démonstration grandeur nature de ce à quoi pourraient ressembler ses futures missions: des conflits plus durs, à plus grande échelle, sur une scène géopolitique mondiale marquée par des rapports de force décomplexés.
De l’Afghanistan au Sahel, « ça fait plus de 10 ans que l’armée s’est concentrée sur la menace du moment qu’était le terrorisme militarisé », a expliqué à l’AFP le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Thierry Burkhard, en marge de la présentation annuelle des capacités de son armée à Satory, près de Paris.
Or, aujourd’hui « l’armée de Terre doit changer d’échelle et se préparer à des conflits plus durs, de haute intensité ».
« La conflictualité est en train de changer, les pays se sont réarmés et n’hésitent plus à employer la force pour exercer leur volonté », insiste-t-il, en citant l’exemple de la Libye: « Il y a quelques années, c’étaient plutôt des milices qui s’affrontaient. Aujourd’hui c’est une vraie guerre en Libye, avec des blindés, de l’artillerie, de l’aviation, des défenses sol-air, de la guerre informationnelle, de la guerre électronique, des drones, un blocus maritime… »
Pour illustrer la vision stratégique de son chef, l’armée de Terre déroule devant plusieurs centaines d’invités un scénario fictif dans lequel la France lance une intervention avec ses alliés pour « redonner sa souveraineté à Saba, un pays aux marches de l’Europe où deux camps rivaux s’affrontent, appuyés par deux Etats voisins en quête d’influence et de ressources naturelles ».
« Guerre informationnelle »
Sur le terrain boueux, face aux blindés des troupes « ennemies » se déploient hélicoptères d’attaque, chars Leclerc et nouveaux Griffon de l’armée de Terre, ces blindés high tech appelés à remplacer les vieux VAB (véhicules de l’avant blindé) français, qui constituent un des élements-clé du programme « Scorpion » censé révolutionner le combat terrestre.
En perspective de ces conflits durcis, l’armée de Terre a l’intention de faire évoluer la dimension de ses entraînements. « Aujourd’hui, le +niveau d’emploi+ en bande sahélo-saharienne est d’environ 1.000 à 1.200 hommes, mais demain, sur un conflit de haute intensité, la guerre se déroulera au niveau des brigades et des divisions, soit entre 8.000 et 25.000 hommes », fait valoir le général Burkhard.
Soudain, une voix off avertit qu’une cyberattaque vient de toucher le réseau énergétique français, allant jusqu’à provoquer l’incendie d’une centrale électrique. Sur des écrans géants s’affichent ensuite des messages envoyés par l' »ennemi » sur les réseaux sociaux « pour décrédibiliser et délégitimer l’intervention » française, explique une voix off.
L’armée devra aussi apprivoiser le champ de bataille immatériel pour rester à la hauteur.
« La vraie rupture se situe dans l’emploi systématique de la guerre informationnelle, qui pèse beaucoup dans les conflits d’aujourd’hui », prévient le chef d’état-major. « Il faut que nos soldats soient conscients que la guerre informationnelle cherchera à produire un effet sur eux ».
« On ne doit pas abandonner ce champ-là à nos ennemis, il faut qu’on soit capables d’agir dans ce champ, de donner nos informations, de faire passer nos images, de mettre en valeur les actions qu’on conduit », dit-il.
Comme pour illustrer son propos, le service de communication de l’armée de Terre a pris soin d’alimenter en abondance les réseaux sociaux en vidéos et photos de la démonstration de force jouée jeudi par ses soldats à Satory.