Antisémitisme et antisionisme: une proposition LREM fait polémique

Comment mieux définir et combattre l’antisémitisme? Une proposition de résolution LREM, au menu mardi de l’Assemblée nationale, sème le trouble jusque dans la majorité, certains craignant qu’elle empêche toute critique de la politique d’Israël.

Les appels à s’opposer à ce texte se sont multipliés, d’un collectif de 127 intellectuels juifs à l’ensemble de la gauche, en passant par des députés "marcheurs". Le sujet a encore vivement agité la réunion du groupe LREM mardi matin, qui a "commencé à déraper", selon plusieurs participants.

"Il y a des sujets douloureux dans notre société et notre groupe", a justifié devant la presse son président Gilles Le Gendre, qui voit dans ses rangs des personnes "inconfortables pour des raisons essentiellement géopolitiques".

"On a pris un petit risque mais la cause est juste", a-t-il défendu. Si le texte est adopté, en début de soirée, cela risque d’être grâce aux voix de la droite et de centristes. "On va jouer un peu les pompiers de service", a taclé le patron des députés LR Damien Abad.

La proposition de résolution, sans valeur contraignante, a été proposée par Sylvain Maillard, député LREM de Paris et président du groupe d’études de l’Assemblée sur l’antisémitisme, qui considère que "pour (le) combattre au 21e siècle, il faut mieux le définir".

Elle a été cosignée par une centaine de députés de divers bords, dont environ 80 LREM (moins d’un tiers du groupe), y compris le président du mouvement Stanislas Guérini.

La résolution suggère de reprendre la définition de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), déjà validée par le Parlement européen et plusieurs pays, et appuyée par Emmanuel Macron, en février devant le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Le président avait alors affirmé vouloir élargir la définition de l’antisémitisme à l’antisionisme.

"L’antisémitisme est une certaine perception des juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte", selon la définition de l’IHRA.

Celle-ci "constituerait un instrument efficace (…) en ce qu’elle englobe les manifestations de haine à l’égard de l’Etat d’Israël justifiées par la seule perception de ce dernier comme collectivité juive", précise la proposition de résolution.

– "Jouer avec le feu" –

Selon le collectif d’intellectuels juifs, la résolution est "hautement problématique" car elle "assimile (…) l’antisionisme à l’antisémitisme". "De nombreuses victimes de l’Holocauste étaient antisionistes", rappelle-t-il dans une tribune au Monde.

En outre, la définition de l’IHRA est "déjà utilisée pour stigmatiser et réduire au silence les critiques de l’Etat d’Israël, notamment les organisations de défense des droits humains", pointe le collectif.

Comme d’autres, la présidente du RN Marine Le Pen s’est inquiétée mardi du risque que la résolution "puisse interdire de critiquer Israël" – ce que récusent ses signataires et soutiens.

Deux "marcheurs" et une poignée de députés PCF et MoDem ont demandé ensemble le retrait du texte. "Sauf à envoyer un message politique désastreux, il ne peut être question de renoncer à ce projet", avait répondu lundi M. Le Gendre.

Alors que certains avaient plaidé en vain pour inclure dans le texte la lutte contre toutes les discriminations, il a cependant accepté la demande d’une mission d’information "sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme, et les réponses à y apporter".

En riposte, les députés socialistes vont justement déposer leur proposition de résolution pour "lutter contre toutes les formes de racisme, d’antisémitisme et de discriminations".

Le numéro un du PS Olivier Faure juge le moment d’examen de la résolution LREM "particulièrement mal choisi", voyant "un gouvernement qui joue beaucoup avec le feu".

Considérant que les outils existent déjà pour pénaliser l’antisémitisme, les socialistes ne voteront pas la proposition de résolution, tout comme communistes et insoumis. Selon leur leader Jean-Luc Mélenchon, "assimiler la critique du sionisme à un acte antisémite" fait "deviner une volonté de provocation qui sidère".

"On se prend les pieds dans le tapis en permanence", se lamente une élue LREM.

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