Charlie Hebdo: l’étau se resserre autour des suspects, la France en deuil
L’étau semblait se resserrer jeudi autour de deux frères jihadistes soupçonnés d’être les auteurs de l’attentat contre le journal Charlie Hebdo qui a semé l’effroi en France, où une minute de silence a marqué la volonté de rassemblement face à un drame qualifié de « 11-Septembre français ».
Des forces de police et de gendarmerie se sont déployées jeudi en début d’après-midi près de Villers-Cotterêts, à 80 km au nord-est de Paris, où les deux suspects de l’attentat ont été signalés, un peu moins de 24 heures après l’attaque qui a fait 12 morts.
Le véhicule utilisé par les deux suspects a été retrouvé près de là.
La piste du terrorisme islamiste, envisagée très rapidement après l’attentat contre Charlie Hebdo, a encore été renforcée par la découverte, dans la voiture que les suspects avaient abandonnée à Paris mercredi, d’un drapeau jihadiste et d’une dizaine de cocktails molotov.
Chérif Kouachi est un jihadiste connu des services antiterroristes français. Il a été condamné en 2008 à trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis, pour avoir participé à une filière d’envoi de combattants pour Al-Qaïda en Irak.
Selon les autorités, sept personnes de l’entourage des suspects ont été placées en garde à vue après avoir été interpellées dans la nuit. Un jeune homme de 18 ans, soupçonné d’avoir été leur complice, s’est rendu à la police dans la nuit.
Unité nationale
Cette atmosphère de tension extrême – certains éditorialistes et hommes politiques n’hésitant pas à parler de "guerre" – a été exacerbée avec la mort d’une jeune policière stagiaire, blessée avec un agent municipal dans une fusillade tôt jeudi matin à Montrouge, en banlieue sud de Paris.
Si aucun lien avec l’attentat contre Charlie Hebdo n’a été formellement établi à ce stade, ce sont néanmoins des juges antiterroristes qui ont été saisis de l’affaire, pour laquelle un suspect, porteur d’un gilet pare-balles, d’une arme de poing et d’un fusil mitrailleur, est recherché.
Parallèlement à l’enquête, une atmosphère de recueillement et de deuil national a enveloppé la France, au lendemain de cet attentat contre un journal emblématique de la liberté d’expression et de l’irrévérence.
A midi (11H00 GMT), tout le pays s’est arrêté pour une minute de silence. Et dans une atmosphère d’union sacrée, les représentants de l’islam de France ont lancé un appel d’une vigueur sans précédent pour condamner le terrorisme et appeler les fidèles à "rejoindre massivement la manifestation nationale" à la mémoire des victimes attendue dimanche à Paris.
Alors que la liberté d’expression était unanimement défendue, l’avocat de Charlie Hebdo a annoncé que l’hebdomadaire sortirait malgré tout mercredi prochain, avec un tirage exceptionnel d’un million d’exemplaires, contre 60.000 habituellement.
"On a tué Charlie Hebdo!", avaient lancé les tueurs lors de l’attaque.
"On va continuer, on a décidé de sortir la semaine prochaine", a déclaré jeudi Patrick Pelloux, un des chroniqueurs de l’hebdomadaire. "Ce n’est pas la connerie qui va gagner. Charb (directeur de la publication, tué mercredi dans l’attaque) disait toujours que le journal devait sortir coûte que coûte", a-t-il continué d’une voix blanche.
De nombreux médias ont proposé leur aide au journal, qui était déjà menacé de faillite.
« Pas en mon nom »
L’attentat contre Charlie Hebdo a poussé plus de 100.000 personnes à manifester spontanément contre le terrorisme dans les rues du pays mercredi soir et provoqué l’indignation dans le monde entier.
A Lille (nord), des enfants d’une école musulmane ont brandi jeudi devant des caméras des feuilles de papier barrées du slogan "Pas en mon nom". Mais la communauté musulmane redoute les amalgames et la stigmatisation.
Depuis mercredi soir, plusieurs lieux de culte musulmans, au Mans (ouest), à Port-la-Nouvelle (sud) et Villefranche-sur-Saône (est), ont été la cible de tirs, ont révélé des sources judiciaires.
Le président François Hollande, qui n’a de cesse depuis l’attentat d’appeler au rassemblement et à l’unité pour répondre au terrorisme, a reçu en milieu de matinée à l’Elysée son prédécesseur et ex-rival de droite Nicolas Sarkozy (2007-2012).
Ce dernier s’est dit prêt à appeler le parti d’opposition de droite UMP, qu’il dirige, à se joindre "si les conditions sont réunies" à une grande manifestation républicaine prévue dimanche. "C’est une guerre qui est déclarée à la civilisation et la civilisation a la responsabilité de se défendre", a-t-il déclaré après l’entretien.
Le président socialiste doit recevoir vendredi la dirigeante du Front national (extrême droite) Marine Le Pen ainsi que d’autres chefs de partis politiques.