La lutte anti-Ebola s’organise dans un laboratoire canadien
Dans leurs combinaisons hermétiques bleutées, semblables à des scaphandres, les rares biologistes autorisés dans les salles du Laboratoire national de microbiologie (LNM) de Winnipeg au Canada, manipulent le virus Ebola avec des précautions extrêmes pour tenter de mettre au point un vaccin.
C’est dans les entrailles du grand bâtiment blanc appartenant à l’Agence de la santé publique du Canada, dans la plus grande ville du Manitoba (centre), que sont testés les échantillons des cas suspects d’Ebola, pour l’instant tous négatifs au Canada.
C’est là surtout que les travaux de recherche pour la mise au point d’un vaccin se poursuivent. Un premier vaccin (rVSV-ZEBOV) a été élaboré ici. Sa licence de commercialisation est détenue par la société américaine NewLink Genetics et il va être mis en essai clinique dans les prochains jours, comme l’a annoncé lundi Rona Ambrose, ministre de la Santé canadienne.
C’est également dans ce laboratoire abrité par le Centre scientifique canadien de santé humaine et animale que le sérum ZMapp, mélange de trois anticorps "monoclonaux", a fait l’objet de recherches. Le médicament a été administré au médecin américain Kent Brantly et quatre autres personnes qui ont survécu à la fièvre hémorragique Ebola. En revanche, deux autres patients traités par ce sérum sont décédés.
Seule une poignée des 500 employés du LNM de Winnipeg ont accès au niveau 4 du laboratoire. Dans la hiérarchie, c’est le niveau le plus élevé pour un espace où sont manipulés des organismes infectieux et mortels.
– Une longue préparation –
"Nous réalisons bon nombre de diagnostics" avec des centaines de tests chaque année, explique à l’AFP Darwyn Kobasa, responsable du département des analyses pathogènes. Ces tests portent sur des cas suspects de coronavirus, de grippe aviaire ou encore d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), et depuis quelques semaines, sur la détection éventuelle du virus Ebola. Le laboratoire en a réalisé moins d’une trentaine à ce stade.
Pour éviter une propagation des germes, la pression à l’intérieur est abaissée au maximum, nécessitant de brancher la combinaison des laborantins à une alimentation en oxygène.
Mais avant de relier sa combinaison au tuyau jaune en spirale pour aider aux déplacements entre les paillasses des laboratoires, chaque chercheur doit se conformer à un rituel pouvant prendre une bonne vingtaine de minutes.
Il doit d’abord abandonner au vestiaire ses vêtements civils. Puis, avant d’enfiler une combinaison en une seule pièce de la tête aux pieds, il prend soin d’en vérifier sa complète étanchéité par air comprimé. Une fois équipé, le chercheur doit franchir le sas de dépressurisation entre deux lourdes portes à hublot.
A l’intérieur, la communication avec les équipes se déroule par un micro intégré à la combinaison protectrice.
Il lui faudra autant de temps pour faire le chemin inverse avec une étape importante par un sas de décontamination. Là, des jets de produits chimiques sont projetés sous haute pression sur l’individu confiné dans sa combinaison hermétique.
Ce centre de recherche sophistiqué s’allège pour des missions sur le terrain. Ainsi cinq scientifiques du LNM équipés de deux laboratoires mobiles légers sont en Sierra Leone pour le suivi de l’épidémie, directement pilotés depuis Winnipeg. Cela fait partie, comme l’a dit vendredi la ministre de la Santé, de l’aide canadienne qui dépasse les 60 millions de dollars.