Fromage, huile d’olives, safran: au Maroc, le nouvel essor des produits du terroir
« Les Marocains réclament davantage de produits labellisés, c’est une nouvelle culture qui s’instaure », se félicite Zineb Errati. A Chefchaouen, son unité de production de fromage de chèvre tourne à plein, preuve du nouvel essor des produits du terroir dans ce pays de tradition agricole.
Dans un pays où l’agriculture reste le principal pilier de l’économie – elle contribue à près de 20% au PIB et emploie 40% de la main-d’oeuvre -, le gouvernement marocain, confronté à l’exode rural et à la mondialisation, a lancé un vaste programme intitulé "Maroc vert". Il prévoit une profonde restructuration du secteur et le passage à une activité à forte valeur ajoutée. Les besoins de financement sont estimés à quelque 10 milliards d’euros d’ici 2020.
La valorisation du terroir et des 200 produits "bio" marocains fait partie intégrante de ce plan. Deux labels de qualité ont ainsi été créés, "l’Indication géographique protégée" (IGP) et "l’Appellation d’origine protégée" (AOP).
Le fromage de chèvre de Chefchaouen est l’un des 21 produits qui ont déjà reçu l’un de ces labels, et "Ajbane Chefchaouen", qui compte parmi les principales unités de production, s’est vu décerner l’an dernier la médaille d’or du meilleur produit du terroir, lors d’un concours national.
– ‘Biologique et sain’ –
Dans la queue qui s’étire devant le magasin de l’unité de production, Haj Kamal Mohamed explique vouloir acheter vingt portions de ce fromage "biologique et sain", afin d’en envoyer à son fils qui vit à plusieurs centaines de kilomètres de là.
Les raisons du succès à Chefchaouen ? "Nous sommes dans une région qui compte beaucoup de variétés de plantes, dont se nourrissent les chèvres. C’est ce qui fait la réputation et la qualité de nos fromages", avance le président de la coopérative des éleveurs de caprins, Ahmed Lharrass.
Dans ce contexte, Ajbane Chefchaouen compte prochainement doubler ses réseaux d’approvisionnement, en passant à 80 fermes, selon l’un de ses responsables, Mohamed Bouaissa.
Seule ombre au tableau: la concurrence "d’autres produits, de moindre qualité et peu chers", dit Mme Errati.
De fait, le kilo de fromage de Chefchaouen coûte entre 10 et 15 euros, dans un pays où le salaire minimum est d’environ 220 euros et où nombre de Marocains peinent à boucler leurs fins de mois. Il n’est donc pas accessible à tout le monde et la filière tente aujourd’hui de développer une "stratégie de démocratisation", avec l’instauration d’une gamme de prix moyens.
L’export constitue également une opportunité grandissante pour les huiles d’argan, safran, dattes et autres produits labellisés.
Située au coeur d’une des principales régions agricoles, Meknès accueille chaque année un Salon international, le Siam. Parmi les différents pôles de sa 10e édition qui s’est tenue en avril figurait en bonne place celui des produits du terroir.
– Valorisation à l’export –
"Huiles d’olives, dattes, nèfles, clémentines… Le Maroc dispose d’une grande richesse, c’est pourquoi nous avons établi une feuille de route prioritaire dans le cadre de +Maroc vert+", résume le directeur de l’Agence pour le développement agricole, Mohamed el Guerrouj.
D’après lui, les premiers résultats sont là. "Une récente étude sur 100 coopératives de produits du terroir a montré que leur chiffre d’affaires est passé de neuf millions de dirhams en 2008 (800.000 euros) à 320 millions (30 millions d’euros) en 2014", dit-il.
Au Siam 2015, la présence nouvelle de "Fair Business Company" (FBC) n’est pas passée inaperçue: le stand rutilant de cette filiale d’Universal Business Company (UBC), du milliardaire saoudien Tarek Bin Laden, a suscité la curiosité.
Créée il y a cinq mois à Casablanca, FBC propose déjà plus d’une centaine de produits à la faveur d’un partenariat avec plus de 300 coopératives. Elle offre son savoir-faire dans la valorisation et la commercialisation à l’export. Trois marques, pour autant de gammes de produits, ont notamment été lancées.
Le Maroc multiplie en outre les participations dans les salons internationaux pour faire connaître son terroir aux investisseurs. A l’Exposition universelle de Milan, son pavillon présente les produits d’une quinzaine de coopératives.
Le chemin "reste long et demandera beaucoup d’efforts", remarque Mohamed El Guerrouj. "Mais le plus important, c’est que nous avons une stratégie".