C’est l’article 60 qui posait problème, disposant que les cliniques pourraient appartenir à des groupes privés ou à des personnes physiques, n’exerçant donc pas la médecine. Les professionnels sont montés au créneau, pestant et contestant un texte qui allait, selon eux, mercantiliser la médecine et mettre en péril la santé des populations,. Mais les arguments des promoteurs et des contempteurs du projet se valent… Et finalement, ce sont les arguments des premiers qui ont gagné la partie.
Certains groupes, comme Saham, avaient trouvé des artifices juridiques pour précéder l’adoption du texte et se mettre en ordre de bataille pour le jour où la loi sera publiée au Bulletin officiel. C’est donc la dernière démarche, celle du BO, avant que la loi n’entre en vigueur. Pour les décrets d’application, on peut gager qu’ils sortiront d’urgence, vu l’engouement du ministre de la Santé Houssine El Ouardi à défendre ‘’sa’’ loi.
En effet le texte sur l’exercice de la médecine est très controversé, il ouvre les appétits des uns et exacerbe l’inquiétude des autres. Rarement un projet de loi aura fait couler autant d’encre et de salive. Le ministre de la Santé a manifestement poussé pour aller plus vite, plus loin, plus fort… quelques semaines après la promulgation du décret sur la carte sanitaire, le secteur de la santé au Maroc prend forme. Mais la partie consacrée à l’ouverture du capital des cliniques aux privés non-médecins continue d’alimenter la polémique.
Les professionnels dénoncent une marchandisation de la santé, et craignent que l’intrusion d’investisseurs n’altère leur mission de santé publique ; le ministère de la Santé déclare qu’il ne peut continuer, à lui seul, à financer les besoins croissants de santé d’une population de plus en plus nombreuse et exigeante. Quant au capital privé, disent certains praticiens favorables au projet, il est de deux sortes : ceux qui y vont déjà, voire qui y sont allés, avançant masqués, et ceux qui attendent la nouvelle législation pour s’engager.
Et que dire des promoteurs du projet de loi ? Le ministère met en avant une meilleure distribution des cliniques sur le territoire, avec l’emploi d’un effectif important de médecins, qui seront de cette manière ‘’fixés’’ dans leurs régions. De plus, la concurrence que se livreront les futurs propriétaires de cliniques ne pourra, toujours selon le ministère, qu’avoir un impact positif sur la qualité des soins.
Des pratiques encore en vigueur, malsaines, devraient disparaître, comme les prix modulés en fonction de la nature des patients, la demande de garanties (comme cette méthode parfaitement illégale du chèque en blanc) avant admission. La loi est toujours belle, mais elle est aussi, systématiquement, détournée, expliquent plusieurs médecins. Ainsi, et en dépit de l’obligation de créer des comités d’établissement, des sortes de comités scientifiques qui décideront des actes à effectuer, le risque demeure plus que jamais de voir un ‘’capitalisme sauvage’’ s’installer et prendre le dessus sur les professionnels.
Tous les avantages apparents de la loi, expliquent les pourfendeurs du projet, risque de ne jamais être pris au pied de la lettre, voire même de rester lettre morte. Exemple est pris pour l’enseignement privé où les cahiers des charges existent, mais sont si peu appliqués.
Enfin, les médecins attirent l’attention sur la nécessité d’établir des garde-fous, comme ce qui se passe en Europe où il est interdit à certains secteurs d’investir dans les cliniques, comme par exemple les fabricants de consommables, les laboratoires pharmaceutiques, et même les assurances.