Jeudi tard dans la soirée, le président Alberto Fernandez avait décrété ce vendredi jour férié pour que « le peuple argentin puisse s’exprimer, dans la paix et l’harmonie, en faveur de la vie, de la démocratie et de la solidarité avec notre vice-présidente ».
Visiblement sous le choc, Fernandez avait partagé avec ses concitoyens suspendus à leurs écrans de télévision les premières informations officielles sur cet acte « très grave qui affecte la démocratie ».
Il avait expliqué que la tentative d’assassinat s’est produite lorsqu’un homme « a pointé une arme à feu vers la tête de la vice-présidente et a appuyé sur la gâchette. Cristina (Kirchner) est en vie parce que, pour une raison quelconque, l’arme qui avait 5 balles (dans le chargeur) n’a pas été déclenchée », a raconté un président très affecté.
Les réactions de rejet de cet acte n’ont pas tardé, aussi bien dans les rangs de la majorité que du côté de l’opposition.
Au Parlement, dans une image rare d’unité, les blocs des deux coalitions au pouvoir et de l’opposition ont adopté une déclaration conjointe condamnant la tentative d’assassinat du deuxième personnage de l’Etat et ancienne présidente du pays entre 2007 et 2015.
Les leaders de la classe politique et les commentateurs évoquaient les conséquences politiques inévitables de cet acte et n’osent même imaginer la situation si l’assassin avait réussi son forfait.
Sur les réseaux sociaux, un florilège d’accusations et de contre-accusations a envahi la toile.
Les partisans de la victime pointent du doigt le discours de haine favorisé par un secteur de la droite sur fonds des poursuites judiciaires contre Cristina Kirchner pour corruption et prévarication.
Les détracteurs du pouvoir, eux, soupçonnent une tentative de victimisation pour faire passer au second plan les accusations qui pèsent contre la vice-présidente dans plusieurs affaires liées à sa gestion à la tête de l’Etat.
Plusieurs mouvements syndicaux et des organisations de la société civile liées à la résistance contre la dictature des années 70 ont appelé à « un consensus large contre les discours de haine et de violence » que le pays avait connus dans les années 60 et qui ont débouché sur six années de dictature.
Des juristes, qui ont relevé des lacunes dans le code pénal en relation avec l’incitation à la haine, ont estimé que l’introduction d’articles plus répressifs est devenue un impératif dans le contexte de la forte polarisation politique que connait le pays.
Malgré les messages de condamnation sans ambages de cet acte par l’opposition de droite, des voix se sont élevées contre un éventuel usage politique de cet attentat raté pour faire taire, selon certains de ses dirigeants, les voix critiques ou pour mettre fin aux enquêtes judiciaires sur les affaires de corruption publique impliquant la victime.
Selon les médias argentins, l’auteur présumé de cette tentative d’assassinat est un brésilien de 35 ans résident légalement en Argentine.
Pendant ces heures intenses, les Argentins de toutes les classes semblent avoir pris conscience de la gravité de cet acte inédit et de ses éventuelles conséquences sur la vie de tout un pays et ils l’ont fait savoir dans la rue.