La Colombie entame l’ère Petro, synonyme de changement promis par la gauche
En remportant plus de 11 millions des voix (50,48%), l’ex guérillero a vaincu un autre apôtre du changement, le populiste Rodolfo Hernandez (47,26%), qui a reconnu la défaite, permettant d’apaiser les tensions nourries par les menaces de part et d’autre de ne pas reconnaitre les résultats.
Avec Petro au pouvoir, les Colombiens aspirent à tourner les pages douloureuses du conflit armé et sortir d’une crise sociale et économique qui hypothèque l’avenir de la 3è puissance économique sud-américaine.
Beaucoup d’entre eux sont sortis célébrer cette victoire et des centaines de Bogotanais marchaient vers le fameux stade Movistar Aren pour partager ce triomphe avec le président élu, qui y tiendra ce soir son meeting de la victoire.
Issu d’une famille de la classe moyenne et éduqué par des prêtres, Petro promet notamment un modèle de développement durable et une réforme de l’armée qu’il qualifie d’ »élitiste ». D’après ses promesses électorales, il commencera son mandat par les négociations de paix et l’amnistie qu’il compte proposer aux narco-trafiquants.
Les principaux défis auxquels sera confronté ce sexagénaire au verbe facile commencent par une réponse efficace à la situation socio-économique difficile que traverse la Colombie, essoufflée par la pandémie du covid-19, avec un déficit budgétaire élevé, un endettement à 63% du PIB et un déficit de la balance des paiements le plus élevé d’Amérique latine, a déclaré à la MAP le professeur à l’Université de Rosario à Bogotá, Henry Amorocho Moreno.
Petro devrait néanmoins commencer par unifier les forces de différents bords qui l’ont porté au pouvoir. Déjà durant la campagne, il a dû revenir sur certains de ses projets pour ne pas faire éclater sa coalition, comme celui de mettre fin à l’exploitation pétrolière.
Une autre question épineuse que le gouvernement sortant n’a pas pu aborder est celle de la réforme fiscale. Petro a parlé ouvertement de la nécessité de générer des changements substantiels en matière fiscale, proposant « une réforme structurelle sans privilèges ».
Au plan de la politique étrangère, le leader du Pacte historique assure qu’il cherchera à rétablir les relations diplomatiques entre Bogotá et Caracas.
« Les relations vont se normaliser. Le rôle de la Colombie est de parvenir à la paix au Venezuela et en Colombie. Il est insensé de laisser la frontière à la mafia. Il s’agit d’une violation des droits de l’Homme de 13 millions de Colombiens et Vénézuéliens qui vivent des deux côtés de la frontière », avait-il déclaré.
Commentant les ambitions du président élu, Dr Hernán Olano, recteur de l’université UNICOC de Colombie a expliqué à la MAP qu’il sera difficile d’avoir un nouveau pacte politique en Colombie permettant d’unifier les différents mouvements autour d’un projet national, en raison de la polarisation des forces politiques du pays.
Dans cette conjoncture politique inédite, issue des manifestations nationales ces dernières années contre le gouvernement et pour un changement radical en Colombie, Petro a réussi à incarner le rôle de parrain du « changement sensé », en faisant jouer sa longue expérience en tant que député et de candidat présidentiel à deux reprises.
Son principal adversaire lors de la campagne électorale n’était pas en fait Hernandez, mais son passé de guérillero et ses « orientations communistes ». Dans la dernière ligne droite de la campagne, alors qu’il était à égalité technique avec son rival du deuxième tour, il a tenté de calmer les angoisses, annonçant cinq « garanties » : ne pas chercher un second mandat (la constitution stipule un maximum d’un mandat présidentiel), respecter de la justice, sortir le pays de la crise socio-économique, respecter la Constitution et lutter « frontalement » contre la corruption, une question très sensible chez les Colombiens.
Si l’on s’attend en Colombie à un changement imminent avec l’arrivée au pouvoir de la gauche, les analystes estiment qu’il faudra attendre l’investiture, en aout prochain, du président élu pour voir à quel rythme sera opéré ce revirement, tant dans la politique nationale qu’au niveau des relations étrangères, en particulier avec les Etats-Unis, un allié traditionnel de Bogota.