La flambée des prix grève le portefeuille des Français dans un contexte de crise sanitaire mondiale qui perdure toujours. En janvier, l’inflation est repartie à la hausse dans l’Hexagone à 2,9% sur un an, selon les premières estimations de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Elle résulte d’une accélération des prix de l’énergie (+19,7%) et des services (+2%), et – dans une moindre mesure – de l’alimentation.
A quelques semaines du scrutin présidentiel, dont le premier tour se tiendra le 10 avril prochain, l’érosion du pouvoir d’achat est devenue une préoccupation majeure des Français à tel point que des manifestations sont organisées dans plusieurs villes pour réclamer des mesures urgentes.
Les dernières en date se sont tenues la semaine dernière à l’appel de plusieurs centrales syndicales comme la CGT, FO, FSU et Solidaires et ont rassemblé selon les syndicats plus de 150.000 personnes. Les autorités ont fait état de seulement 89.000 manifestants, dont près de 9.000 à Paris.
Alors qu’un sondage OpinionWay-Square pour Les Échos et Radio Classique a révélé en septembre dernier que plus d’un Français sur deux (56%) estiment que leur pouvoir d’achat a plutôt diminué durant le quinquennat du Président sortant Emmanuel Macron, et que seulement 8% ont l’impression que leur pouvoir d’achat a au contraire augmenté depuis 2017, quand 35% affirment qu’il est resté stable, voilà qu’un tout récent sondage Elabe Opinion 2022 pour BFMTV, L’Express et SFR, est venu révéler que la question du pouvoir d’achat sera le sujet le plus déterminant dans le choix pour l’élection présidentielle pour 54% des Français, bien devant la santé (33%), la sécurité (27%), l’environnement (24%) ou encore l’immigration (23%), ce dernier sujet faisant les choux gras de la presse de la place.
Selon Frédéric Michaud, directeur général adjoint de l’institut de sondages Opinion Way, dont les propos ont été relayés par les médias locaux, la question du pouvoir d’achat est « le premier enjeu dans cette élection présidentielle ». « C’est le premier enjeu pour les Français lorsqu’ils voteront en avril 2022. Et puis surtout, c’est un enjeu qui a très fortement progressé, il était en troisième position en 2017, il a progressé de 10 points par rapport à 2017. Et il devance des enjeux aussi importants que la sécurité, la protection sociale, l’environnement ou l’immigration, donc c’est vraiment quelque chose qui est en train de s’affirmer dans l’élection présidentielle ».
Profitant de ce contexte politique exceptionnel, les syndicats haussent le ton et réclament une augmentation du Smic et du point d’indice des fonctionnaires, et plus généralement de tous les salaires, allocations et pensions de retraite, dans un contexte de forte inflation et de dividendes record versés par les entreprises à leurs actionnaires.
Décidées à mettre au pied du mur les différents candidats, sans oublier le Président sortant Emmanuel Macron qui n’a pas officialisé, pour le moment, sa candidature à la présidentielle, les centrales syndicales entendent leur soutirer des promesses de campagne électorale sur une augmentation du pouvoir d’achat qu’ils seraient obligés de tenir une fois élus.
Alors qu’en France, le Smic n’a progressé que de 3,2% sur un an et s’établit depuis le 1er janvier 2022 à 1.269,45 euros nets sur la base de 35 heures hebdomadaires, la hausse du salaire minimum a été plus élevée dans de nombreux autres pays d’Europe : +3,6% en Espagne, +6,6% au Royaume-Uni, et même +22% annoncé en Allemagne pour octobre 2022 !, une situation qui n’est pas du goût des syndicats encore moins des électeurs français.
Face à cette nouvelle donne et dans une tentative de convaincre les Français de voter en leur faveur, les candidats déclarés à la présidentielle qu’ils soient de droite ou de gauche multiplient les propositions sur la thématique du pouvoir d’achat, conscients qu’elle est devenue « le sujet » de la campagne présidentielle.
Si certains proposent d’augmenter le Smic et une revalorisation des salaires dans la fonction publique, d’autres souhaitent bloquer les prix des produits de première nécessité, dont ceux du gaz, de l’électricité et de cinq fruits et légumes. Mais les précisions sur le financement nécessaire restent pour le moment, du point de vue des observateurs, encore floues, voire carrément inexistantes.
Le gouvernement sortant, affirme, quant à lui, qu’il a toujours été « très attentif au pouvoir d’achat (des Français) depuis le début du quinquennat », se prévalant d’avoir mis sur place d’importantes mesures pour préserver voire augmenter le pouvoir d’achat des Français, notamment en optant pour des aides ciblées comme le chèque énergie, l’indemnité inflation de 100 euros pour les revenus inférieurs à 2.000 euros nets par mois, ou encore le bouclier tarifaire protégeant de la flambée des prix du gaz et de l’électricité.
Réagissant aux différentes promesses de campagne, le Haut-commissaire au Plan, François Bayrou, estime que « les promesses mirobolantes, c’est la maladie infantile des campagnes électorales. Et de ce point de vue, cette campagne est partie sur les chapeaux de roues! ».
Selon lui, « toute annonce d’augmentation générale des salaires, décidée d’en haut par le seul pouvoir politique, dans un pays en déficit du commerce extérieur et en déficit budgétaire, se heurtera au mur du réel. La hausse des salaires est naturelle et bienvenue quand elle correspond à une augmentation de la productivité ».
Et de considérer, dans une interview au Journal Du Dimanche (JDD), que « les promesses d’augmentation massives et générales sont des tentatives d’abus de confiance, sans crédibilité, et dont les citoyens ne sont pas dupes une seule seconde ».
« Quand l’économie va mieux, la question du pouvoir d’achat vient naturellement. Mais les électeurs ne se laissent plus prendre au piège des promesses du Père Noël et des baguettes magiques. Ils jugent en même temps la qualité des propositions et la crédibilité de ceux qui les formulent. Propositions mirobolantes et crédibilité zéro égalent un haussement d’épaules de la part de l’opinion », affirme-t-il.