La cohabitation du premier gouvernement de coalition en Espagne est pleine de vicissitudes et de débats tendus. Le dernier chapitre de cette bataille cachée entre les deux partenaires de l’exécutif, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et Unidas Podemos, est la réforme du marché du travail.
Deux ans après son investiture, l’équipe de coalition est de retour à la case départ, avec les cicatrices d’une crise majeure et la méfiance et la défiance entre les deux partenaires de la gauche.
Le bras de fer entre la deuxième vice-présidente du gouvernement et ministre du Travail, Yolanda Díaz, l’une des leaders d’Unidas Podemos, et la première vice-présidente chargée de l’Economie, Nadia Calvino, membre influente des socialistes, pour mener les négociations de la réforme risque de menacer la stabilité du gouvernement.
Mme Diaz insiste sur le « retrait total » de la loi du marché du travail, adoptée par le Parti populaire (PP) lors des années d’austérité suivant la crise économique, et mettre en place une nouvelle démarche pour finir avec la précarité et l’injustice dans le marché de l’emploi. Une approche qui ne partage pas Mme Calvino qui plaide pour une révision globale de la loi avec un amendement des « articles les plus nocifs ».
Les frictions entre les deux femmes, qui remontent aux débats sur l’augmentation du salaire minimum, se font plus visibles lors des négociations avec les syndicats et le patronat. Mme Diaz s’efforce de satisfaire les revendications des syndicats et construire un statut de travailleurs orienté vers l’avenir, alors que la première vice-présidente du gouvernement dit comprendre les inquiétudes du patronat qui voit dans les propositions de Mme Diaz un obstacle face à la reprise économique post-pandémique.
Dans ce sens, Mme Diaz tient toujours au projet de réforme adressé en avril dernier à Bruxelles et qui comprend une batterie de mesure pour consolider le statut des travailleurs.
Le texte comporte notamment une simplification du mode de contrats, la mise en place de mécanismes de flexibilité interne pour éviter les licenciements, l’encadrement et la modernisation de la sous-traitance, la régulation du télétravail, une refonte du système de formation et l’adaptation et la modernisation de la négociation collective.
Pour rendre ces objectifs réalisables, Mme Diaz défend l’idée d’abroger la réforme du PP pour lutter contre la précarité, accusant indirectement Nadia Calvino de vouloir mener une réforme au service et à la mesure de l’employeur.
Face à cette escalade, le président du gouvernement, Pedro Sanchez, a opté pour baisser la tension et convoqué une réunion d’urgence des responsables des départements concernés par la réforme qui a abouti à un accord flou ne dégageant pas la tension entre les deux vice-présidentes.
Le pacte consiste en donner au ministère du Travail la direction des négociations sous la supervision du département de l’Économie. Toutefois, le texte final de la réforme sera accordé entre Pedro Sánchez, Diaz et Cavino.
Malgré cet accord de principe, le dernier conflit entre Podemos et le PSOE sur la réforme du marché du travail a laissé de nombreuses blessures ouvertes au sein de la coalition. L’inquiétude des socialistes et leur méfiance des ministres de Podemos s’accentuent à l’approche de la fin de la législature.
Il faudra un certain temps avant que la méfiance ne se dissipe. Malgré tout, le pragmatisme est de mise. La gauche n’est pas intéressée par une élection anticipée et le PSOE et Unidas Podemos sont condamnés à s’entendre au moins jusqu’à la fin de la législature.