Mercredi, la communauté en charge de la basilique, située en plein centre de la capitale espagnole, avait averti dans un communiqué « qu’on ne pourrait ni embrasser ni toucher la statue de Jésus de Medinaceli, ce pour empêcher les contagions par le coronavirus », alors que le pays compte selon un dernier bilan vendredi 365 cas et cinq morts.
Une mesure jamais vue en près d’un siècle de tradition: tous les premiers vendredis du mois de mars, on vient de toute l’Espagne pour embrasser les pieds de la statue et formuler trois souhaits à ce Christ en bois du XVIIe siècle, qui a la réputation d’en accorder au moins un.
La dévotion populaire est telle que certains fidèles commencent à faire la queue une semaine avant la date prévue, campant dans les rues adjacentes, et la file d’attente s’étire traditionnellement sur des centaines de mètres le jour J.
Mais vendredi matin, seules quelques dizaines de personnes patientaient dans un vent glacial, derrière des barrières inutilement installées pour contenir la foule.
Normalement, « tu peux rester là (à attendre) 12, 14 heures. Il faut prendre des précautions, c’est vrai, ça me paraît bien de ne pas toucher. Mais que personne ne vienne, je n’avais jamais vu ça », s’étonnait Amparo Garcia, 61 ans.
Debout depuis 05H00 du matin, cette habitante de la banlieue de Madrid pensait devoir attendre jusqu’à 18H00 pour pénétrer dans le sanctuaire. Mais après seulement quelques minutes, elle a pu entrer pour demander au Christ de la maintenir en bonne santé après un cancer.
A l’intérieur de l’église, les fidèles -en grande majorité des femmes d’un certain âge- se succèdent devant la statue dont les pieds sont dissimulés par la robe de velours violet, se contentant d’un signe de croix, parfois d’un rapide baiser envoyé avec la main.
Quelques personnes portent des masques de protection.
« Les gens viennent moins à cause de la psychose autour du coronavirus, par peur de la contagion », affirme Benjamin Echevarria, supérieur de l’ordre des Capucins en Espagne, qui gère la basilique, soulignant avoir insisté sur le fait « qu’il y a plusieurs manières d’exprimer la dévotion, pas seulement le baiser ».
Pour Belen Ibañez, journaliste qui couvre l’événement depuis des années pour la radio Cope, « il y aussi la rupture d’une tradition, l’idée que sans le baiser ça n’est pas valable, peut-être un peu de fétichisme ».
Ceux qui sont là disent n’éprouver ni peur, ni déception de ne pouvoir toucher.
« Nous sommes venues avec beaucoup de foi, nous avons prié (le Christ) et lui avons envoyé un baiser de l’intérieur. Le virus, Jésus l’arrêtera sûrement », veut croire Maricarmen Perez Martin, 54 ans, venue de Tolède.
L’ancienne reine Sofia, mère du souverain actuel Felipe VI, ainsi que le maire de Madrid, sont venus se recueillir malgré tout.
A l’approche de Pâques, les cérémonies de « baise-pieds » ou « baise-main » de statues religieuses vont se multiplier en Espagne dans les prochaines semaines et des mesures similaire ne sont pas exclues ailleurs.