Les Etats-Unis demandent à l’ONU d’endosser leur accord avec les talibans
Les Etats-Unis discutent avec leurs 14 partenaires au Conseil de sécurité de l’ONU d’un projet de résolution visant à entériner l’accord conclu le 29 février avec les talibans, une démarche rare s’agissant d’une entente entre un pays étranger et une guérilla, selon des diplomates.
Selon leur projet de texte, qui pourrait être soumis à un vote dès lundi, obtenu jeudi par l’AFP, le Conseil de sécurité soulignerait accueillir « favorablement » l’accord du 29 février. Il demanderait aussi « à tous les Etats d’apporter leur plein soutien à la négociation d’un accord de paix complet et durable qui mettrait fin à la guerre au bénéfice de tous les Afghans ».
A ce stade, la position de la Russie et celle de la Chine sur le texte américain restent incertaines.
Le projet de Washington met aussi la pression sur le gouvernement afghan pour qu’il s’engage dans des négociations avec les talibans pour parvenir à « un cessez-le-feu permanent et complet ». A la différence de la première version du texte, qui ne comportait aucune mention sur les femmes, une version amendée récemment en parle désormais à trois reprises, notamment à l’initiative de l’Indonésie.
Le texte mentionne d’abord que l’équipe de négociation afghane doit être « inclusive » et comprendre « des dirigeants politiques et de la société civile afghane incluant des femmes ».
Surtout, il « souligne l’importance (dans des négociations) d’une participation effective et significative des femmes, des jeunes et des minorités et affirme que tout règlement politique doit protéger les droits de tous les Afghans, y compris les femmes, les jeunes et les minorités ».
– Deux annexes confidentielles –
L’accord du 29 février impose notamment au gouvernement afghan de libérer 5.000 prisonniers tandis que les talibans devraient en relâcher 1.000. Dimanche, le président Ashraf Ghani a toutefois indiqué qu’il ne s’estimait pas engagé par cette disposition.
Alors que le premier projet de résolution américain mentionnait la tenue d’une conférence en mars à Oslo visant à lancer des négociations inter-afghanes, la dernière version amendée n’en parle plus, peut-être par crainte qu’elle ne se tienne pas le 10 mars comme envisagé le week-end dernier.
Le texte américain indique aussi que le Conseil de sécurité serait « prêt dès le début des négociations inter-afghanes à revoir les sanctions » imposées par l’ONU à des individus ou des groupes en vertu de la résolution 1988 adoptée en 2011 « afin de soutenir le processus de paix ».
L’accord conclu le 29 février ouvre la voie à un retrait total des troupes américaines après 18 ans de guerre ayant tué entre 32.000 et 60.000 civils afghans, selon l’ONU, et plus de 1.900 militaires américains. En échange, les talibans s’engagent à bannir tout acte de terrorisme et à s’engager dans de véritables négociations avec le gouvernement de Kaboul avec lequel ils refusent jusqu’ici de parler.
Entériner l’accord entre les Américains et la guérilla des talibans « est vraiment un cas très particulier », relève un diplomate sous couvert d’anonymat.
Les Occidentaux peuvent « avoir beaucoup de réserves, de questions, d’étonnement » mais ne devraient pas s’opposer de front à leur allié américain, précise-t-il. Mais par ailleurs, « jusqu’à quel point » le Conseil de sécurité, et singulièrement Moscou et Pékin, sont-ils prêts à endosser un accord dont des clauses sur la lutte antiterroriste restent secrètes? s’interroge cette source.
Selon un autre diplomate, s’exprimant également sous couvert d’anonymat, l’accord américano-taliban comprend « deux annexes destinées à rester confidentielles ».