Cette semaine, un autre postulant – officiel, celui-là – s’est vu barrer la route. Alexandre de Juniac, 48 ans, directeur de cabinet de Christine Lagarde, a essuyé l’avis négatif de la Commission de déontologie de la Fonction publique. Les sages ont refusé son éventuel transfert vers Areva au motif que son implication dans l’augmentation de capital, récemment bouclée, était "incompatible" avec une prise de fonctions. Son sort aurait été scellé en un quart d’heure. Dans l’entourage du chef de l’Etat, on assure qu’Alexandre de Juniac a agi de son propre chef sans en référer en haut lieu. "D’expérience, il ne vaut mieux pas se déclarer trop tôt pour présider une entreprise publique!", sourit-on à l’Elysée. Une rumeur persistante donne le nom de Marwan Lahoud, 44 ans, directeur de la stratégie et du marketing d’EADS. Ce polytechnicien d’origine libanaise, devenu français grâce à Philippe Séguin, connaît les dossiers industriels sensibles pour avoir dirigé la filiale missiles du groupe d’aéronautique et de défense.
Le nucléaire français doit rester une affaire nationale
Officiellement, aucun prétendant n’a été reçu à l’Elysée ni consulté. "Rien ne correspond à un processus en cours", tranche un proche du président de la République. Pour Bercy, pas question d’un troisième mandat Anne Lauvergeon, elle, reste candidate à sa propre succession bien que le chef de l’Etat aurait indiqué en marge de son voyage en Inde qu’elle ne serait pas reconduite. La présidente d’Areva défend son projet même si un rapport financier de René Ricol, vice-président du comité d’audit, serait sévère sur son bilan. Attachée à son entreprise, "Atomic Anne" aurait refusé la semaine dernière la présidence d’Air France, pour la seconde fois.
Après avoir longtemps souligné son amitié avec Christine Lagarde, Bercy semble décidé à se séparer d’Anne Lauvergeon et à lancer le processus au plus tôt. Le soutien implicite à la candidature Juniac est le signe que la confiance est rompue. "Quand l’Etat prend des décisions stratégiques pour une entreprise publique sans qu’elles soient appliquées à la lettre, il faut se poser des questions sur les personnes. Vous n’imaginez pas les difficultés que nous avons eues pour réaliser l’augmentation de capital", plaide-t-on au sixième étage du ministère de l’Economie. L’Elysée a néanmoins décidé de maintenir le calendrier: "Il y a une échéance, c’est juin."
Le ministère des Finances fourbit une arme anti-Lauvergeon: la limitation des présidences d’entreprises publiques à deux mandats. Le patron de l’Agence des participations de l’Etat, Jean-Dominique Comolli, est chargé du projet. Il doit faire des propositions sur les modalités des nominations et des gouvernances. Si ce principe est acté, il ferait office de "loi anti-Lauvergeon", empêchant la patronne de briguer sa succession. Et mettrait la pression sur les patrons de la Poste, la SNCF, EDF… Le comité des nominations d’Areva doit, pour sa part, proposer des noms et auditionner les candidats. Il rassemblera Jean-Cyril Spinetta, président non-exécutif de l’entreprise publique, René Ricol et une troisième personnalité à déterminer. Bernard Bigot, patron du Commissariat à l’énergie atomique, semble bien placé, ses compétences en matière de nucléaire étant incontestables. Il est en compétition avec l’administratrice Guylaine Saucier, dont la nationalité canadienne est perçue comme un handicap. Le nucléaire français doit rester une affaire nationale.