Mercredi soir, c’est Martine Aubry, sur France 2, qui a remis une couche de flou. Interrogée sur le rapport entre sa propre candidature et le cas Dominique Strauss-Kahn, empêché pour l’heure de se déclarer par ses fonctions au FMI et condamnant du même coup alliés et concurrents potentiels à l’attente, la patronne du PS n’a pas franchement contribué à éclaircir le dossier : «Nous avons déjà dit que nous réfléchissons ensemble, comme Ségolène a dit qu’elle souhaitait réfléchir avec nous, et donc nous proposerons une candidature véritablement ensemble, c’est-à-dire pas l’un contre l’autre ou l’une contre l’autre.» Comprendre : sur les trois camarades cités, Royal, DSK et elle-même, il n’y en aura plus qu’un sur la ligne de départ, à l’automne 2011. Ou plus qu’une.
«C’est une pierre de plus, un élargissement de l’accord déjà connu entre Martine et Dominique à Ségolène, qui avait fait plusieurs fois des offres publiques. C’est le fruit du travail de rassemblement mené par Martine», vante François Lamy, lieutenant de la première secrétaire. «Rien de neuf sous le soleil», évacue-t-on autour de Royal. A part une nuance d’importance : au pas de deux entamé par Aubry et DSK depuis le congrès de Reims, en 2008, s’est désormais substitué un ménage à trois. Certes, convertie depuis quelques mois au jeu collectif avec le zèle de la néophyte, Royal s’était déjà greffée d’elle-même sur ce Yalta socialiste pour 2012. Mais son rendez-vous parisien avec Dominique Strauss-Kahn, la semaine dernière, ajouté au fait que la patronne du PS en personne l’inclue dans le deal, n’est pas passé inaperçu. «On est ravis parce que c’est la première fois que Martine reconnaît que Ségolène est dans le dispositif et que rien ne peut se faire sans elle, savoure l’entourage de Royal. Martine acte que Ségolène fait partie des trois grands.»
Otage. Néanmoins, Aubry s’est peut-être un peu avancée en anticipant sur un renoncement de l’ex-candidate à la présidentielle, la moins bien classée des trois dans les sondages. Une annonce qui semble n’avoir pas été tout à fait calée entre les deux femmes. «Il y a une forme de prise d’otage», ironise ce partisan de Royal. Même au sein de la direction aubryste, on s’interroge : «Je ne suis pas sûr que l’attitude de Ségolène garantisse qu’elle se range derrière un autre. Elle ne le fera que si elle n’a aucune chance», maugrée un haut responsable du parti. Lequel ne cache pas un certain agacement :«Martine aurait mieux fait de se taire ! C’est elle qui est interrogée sur sa situation, elle n’avait pas besoin de parler au nom de tout le monde. L’exercice ne va pas durer quinze ans. Sans pour autant se déclarer candidate, elle pourrait donner des signes. Mais elle n’en donne pas.» Ce hiérarque voit pourtant dans l’opération un bénéfice : «Ça lui permet de gagner du temps et de recréer une solidarité entre candidats potentiels…» Et, du coup, de contraindre chacun à la discipline.
«On a une grande responsabilité. Le passé, on en a tiré toutes les leçons, les leçons de la division, de l’absence de travail», a verrouillé Aubry. François Hollande, son prédécesseur à la tête du PS, appréciera. Mais il est vrai qu’il commence à avoir l’habitude… De bonne guerre, le premier opposant de la première secrétaire a sauté sur l’occasion, se démarquant, sur RTL, de cet accord tripartite : «Des pactes, ça vaut pour ceux qui les signent, éventuellement les respectent, ça ne vaut pas pour ceux qui n’en sont pas.» Le député de Corrèze, qui intensifie sa campagne, dénonce les combinazione entre camarades : «Une présidentielle, ce n’est pas un arrangement. On ne se dit pas qu’on va être candidat parce qu’on aura mené telle ou telle négociation ou compromis.» Ligne fermement défendue par sa garde rapprochée, Stéphane Le Foll en tête : «Un accord à trois ne veut pas dire plus de débat. C’est pas parce qu’Aubry, Royal et Strauss-Kahn sont d’accord qu’il faut priver les militants de la possibilité d’un choix, et que tout est décidé et fini. Ces trois-là ne peuvent pas décider pour tout le monde…»
Rengaine. En face, les amis d’Aubry ont beau jeu d’entonner l’air de la vertu outragée. «Je ne comprends pas, s’insurge Lamy. Comment parler d’arrangement alors qu’il s’agit simplement d’esprit de responsabilité et de prendre le ou la meilleure pour gagner en mai 2012 ?» Même rengaine chez Laurent Fabius : «Il n’y a pas du tout d’arrangement. Simplement, on ne va pas avoir quinze candidats», a expliqué l’allié d’Aubry sur Europe 1. Le premier qui ira aura une tapette.