Mode de consommation durant le Ramadan en France: Halal, marque indisposée
Le marché, estimé à cinq milliards d’euros, est trop alléchant pour échapper aux convoitises. Tout le monde s’y met. L’arnaque pendant le Ramadhan rapporte beaucoup, et avec l’absence d’un cadre juridique, tous les coups sont halal.
Il est pas bon mon halal ?
Halal est aussi une vitrine. «C’est une porte qu’on essaie d’ouvrir, une manière d’attirer l’attention du consommateur musulman, mais n’importe qui ne peut pas faire n’importe quoi. Il faut un cahier des charges unique, une certification unique et un logo unique», remarque cheikh Al Sid Cheikh, assistant du recteur de la Mosquée de Paris. Pour l’instant, la certification unique n’est pas à l’ordre du jour. La certification halal, «c’est un métier, pas une affaire de mosquée. Aujourd’hui, en France, on est dans l’autocontrôle», se désole Ala’a Gafouri, qui a créé le Halal institute of food management industry (HIFMI) pour former des sacrificateurs et des contrôleurs. Selon lui, 80% des produits étiquetés halal ne le seraient pas réellement, notamment dans les marques de distributeurs des grandes enseignes. Mosquées, associations rituelles qui leur sont rattachées ou organismes indépendants peuvent certifier les produits. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) voudrait mettre en place un «référentiel technico-halal» quand d’autres organismes appliquent déjà leur propre label. Le prix de la certification varie en fonction des volumes de viande.
Quelle est donc la cible ?
«Le consommateur halal est aujourd’hui typiquement une femme ou un homme issu de l’immigration, socialisé en Occident, pour qui être musulman est devenu un enjeu identitaire, une façon de sortir du stéréotype de l’Arabe assimilé aux classes populaires et dangereuses. Aujourd’hui, le halal est le produit d’une ascension sociale et culturelle combinée à une stagnation économique due à des pratiques d’exclusion que les générations issues de l’immigration continuent de subir, mais que certains jeunes entrepreneurs musulmans savent désormais instrumentaliser à leur avantage», analyse, dans Libération, Florence Bergeaud-Blackler, sociologue et experte en commerce international.
Pour la sociologue Dounia Bouzar, le marché halal est victime de son succès. «On assiste à des dérives purement mercantiles parce que certains ont bien vu les possibilités de profit. On a des générations entières qui croient que si elles ne mangent pas halal elles iront en enfer», explique l’universitaire, qui déplore que le qualificatif «halal» soit aujourd’hui accolé à toutes sortes de produits, alors qu’il devrait être réservé à la viande. Le marché aimant le flou juridique, la niche est devenue très courtisée. En jouant sur le principe, des entreprises ont développé des lignes entières de produits, des cosmétiques aux conserves ou aux surgelés ne contenant pas forcément de viande. Le bizness est halal.
(Source: Al Watan)