Loin s’en faut. Chacun d’eux a du débourser pas moins de 7000 euros pour pouvoir finalement se procurer le fameux sésame qui lui permettrait de fouler sans ambages le sol italien. Une somme difficilement amortissable par ces temps de crise et d’embrasement incessant du coût de la vie. Mais pouvaient-il le savoir obnubilés qu’ils étaient par ces immigrés à l’embonpoint matériel outrageant, vrai ou fardé, qui reviennent, une fois l’an, au pays, fringues, 4×4, femmes et enfants attisant les envies et approfondissant les frustrations .
Visas estampillés sur leurs passeports, nos deux jeunes, fringants de fraicheur, arrivèrent ainsi à destination munis de contrats de travailleurs agricoles. Sérieux et assidus, ils se donnèrent à fond pour conquérir la confiance de leurs employeurs et mériter leur statut de nouveaux «zmagriya» sur la terre qu’on dit si prospère de l’Europe.
Jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, loin de leurs attaches, ils se dévouèrent totalement à leur travail, faisant preuve de patience face à la rudesse de la tache et d’endurance face à la dureté de l’ouvrage. Ni l’usure physique, ni la sévérité du climat, ni encore moins les frustrations induites par leur déracinement ne pouvaient entamer leur détermination à forcer la reconnaissance de leurs employeurs et le respect de leurs compagnons.
En donnant le meilleur d’eux-mêmes, ils entretenaient l’espoir qu’ils cueilleraient les fruits de leur labeur et récolteraient les dividendes de leurs moissons. Les choses n’ont malheureusement pas évolué en cette direction. Privés de travail au bout de quelques mois, ils ont vu leur situation se dégrader petit à petit. Entre loyers exorbitants versés à des propriétaires sans scrupules de logements insalubres et dépenses dictées par la vie de tous les jours, leurs économies ont fini par se tarir et leur orgueil, par s’émousser.
C’est ainsi qu’ils ont fini par être acculés à élire domicile dans un tunnel en acier dans les parages d’Avezzano. Une situation inhumaine et de grande précarité porteuse de périls certains pour leur santé qui a éveillé l’attention de la presse locale avant d’être médiatisée à une plus grande échelle, notamment par le biais de la diffusion de vidéos sur Internet.
Les services consulaires marocains n’ont pas été en reste. Le Consul général du Maroc à Rome, Mohamed Basri, a fait le déplacement à Avezzano, à près de 80 km à l’Est de la capitale. Outre les intéressés eux-mêmes, il a eu des contacts avec le préfet et des responsables de la police pour élucider les péripéties de cette affaire.
Le diplomate a également rencontré l’avocat des deux jeunes Marocains qui, à présent, ont été pris en charge par une association caritative en attendant, comme l’espèrent tous ceux qui ont eu à apprécier leur sérieux et leur honnêteté, un dénouement bienheureux de cette affaire. Une parmi tant d’autres en Italie où la traite des êtres humains fait malheureusement de nombreuses victimes parmi les aspirants à l’immigration qui, après avoir baigné dans le rêve du grand voyage, goûtent à l’amertume de la désillusion.
Omar et Khalil qui, malgré le dénuement, ne se sont jamais avisés de pécher ou de transgresser la loi de quelque manière que ce soit, attendent maintenant que justice leur soit faite. Ils l’espèrent vivement d’autant qu’au plus haut sommet de l’Etat, l’on ne cesse de répéter, comme cela fut encore le cas mardi dernier, que les immigrés et leurs enfants font partie intégrante de l’Italie et représentent une «grande source d’espérance» pour le pays.
Sortis d’un premier tunnel, nos deux jeunes marocains nourrissent, pour l’heure, l’espoir de pouvoir quitter un autre plus déterminant pour eux, celui les menant vers une vie décente et vers la reconnaissance effective de leurs mérites sur leur terre d’accueil.