"J’avais signé un contrat d’embauche avant même d’être diplômée, je suis allée à la préfecture pour signaler mon changement de statut, d’étudiante à salariée, et j’attends une réponse depuis six mois… Evidemment, l’entreprise a embauché quelqu’un d’autre", raconte Meriem Kadari, une étudiante algérienne de 27 ans.
Membre du "Collectif du 31 mai" qui regroupe les étudiants concernés, elle dénonce les conséquences d’une circulaire, diffusée le 31 mai, qui restreint la possibilité pour les étudiants étrangers d’obtenir un statut de salarié pour travailler en France au terme de leur formation.
Le texte signé par les ministres de l’Intérieur Claude Guéant et du Travail Xavier Bertrand demande notamment aux préfets "d’instruire avec rigueur" les demandes d’autorisation de travail.
Un document qui s’inscrit dans la volonté des autorités de réduire l’immigration légale en France, alors que le camp du président Nicolas Sarkozy entre en campagne électorale avec un discours très dur sur l’immigration, à quatre mois de l’élection présidentielle.
Face aux critiques qui ne faiblissent pas depuis des semaines, le Premier ministre François Fillon assure que la circulaire "ne traduit en rien une volonté de fermeture", tout en faisant état du "souci de mieux maîtriser l’immigration professionnelle pour tenir compte de la réalité de notre marché du travail et d’un chô mage qui touche aussi les jeunes diplô més".
Pour sa part, le ministre de l’Enseignement supérieur Laurent Wauquiez affirmait fin novembre que plus de la moitié des 500 cas d’étudiants étrangers s’étant vu refuser le statut de salarié avait déjà obtenu satisfaction. Il promettait une solution pour "tous les cas difficiles d’ici à la fin de l’année".
Mais le Collectif, qui a recensé plus de 600 cas, explique qu’il continue d’en recevoir plusieurs dizaines chaque semaine.
Mardi, le député Alain Claeys, responsable de l’enseignement supérieur dans l’équipe du candidat socialiste à la présidentielle d’avril-mai 2012 François Hollande, a d’ailleurs demandé le retrait pur et simple de la circulaire.
"Tous les pays engagés dans cette compétition mondiale pour attirer les meilleurs cerveaux doivent se frotter les mains: notre politique d’immigration d’aujourd’hui est leur compétitivité de demain", a-t-il regretté.
Des présidents de grandes écoles et d’universités, mais aussi des chefs d’entreprises, se sont aussi inquiétés des répercussions auprès de certains pays émergents, comme la Chine (15% des étudiants étrangers hors Union européenne).
"Ils sont en train de détruire l’image de la France. On reçoit des témoignages de bacheliers (titulaires du baccalauréat) venant de pays francophones qui hésitent désormais à venir étudier en France et qui regardent davantage vers le Canada ou les Etats-Unis", témoigne Meriem Kadari.
La circulaire n’est pas seule en cause. Des associations dénoncent aussi la difficulté pour les étudiants étrangers d’obtenir ou de faire renouveler chaque année leur visa ou la publication en septembre d’un décret augmentant de 30% le niveau de ressources exigé pour la délivrance d’une carte de séjour.
Une étudiante canadienne, Emilie Vézina, a ainsi récemment raconté dans plusieurs médias comment elle était devenue clandestine après le refus des autorités de renouveler son visa, jugeant sa progression trop lente après sept années de doctorat.
"Je suis blanche, francophone et femme, ce n’est pas la pire situation. Mais je veux bien être le porte-voix de tous les étudiants étrangers maltraités, africains, asiatiques… qui n’osent rien dire", a-t-elle expliqué mardi au quotidien Libération.