Soupçons de financement libyen: le franco-algérien Djouhri se dit « victime » d’un acharnement judiciaire
"Je suis victime de deux magistrats", a-t-il déclaré à son arrivée au tribunal, citant le juge d’instruction Serge Tournaire et le procureur du parquet national financier (PNF) Patrice Amar.
"Je suis grand-père, je suis père et ils me dénient le droit d’exister. Et ça, c’est incroyable ! C’est pas la justice française, c’est deux magistrats qui ont fait un faux en écriture, et j’ai les preuves absolues", a-t-il poursuivi.
Après plusieurs reports, l’audience d’extradition a débuté à 10H00 GMT et doit se tenir jusqu’à jeudi devant le tribunal londonien de Westminster.
Interrogé pour savoir ce qu’il attendait de l’audience, M. Djouhri, accompagné par son fils et sa fille, a lancé: "j’attends qu’elle rende justice. Je ne suis pas fugitif".
Convoqué à plusieurs reprises par la justice française, l’homme d’affaires de 59 ans, résident suisse, avait été arrêté en janvier 2018 à l’aéroport londonien d’Heathrow, en vertu d’un mandat d’arrêt européen émis par la justice française, notamment pour "détournements de fonds publics" et "corruption".
Son nom était apparu en particulier lors de la vente suspecte en 2009 d’une villa située à Mougins, sur la Côte d’Azur, à un fonds libyen géré par un dignitaire du régime de Kadhafi. M. Djouhri est soupçonné d’en avoir été, derrière plusieurs prête-noms, le véritable propriétaire et de l’avoir cédée à un prix surévalué, ce qui aurait pu permettre de dissimuler d’éventuels versements occultes.
Charge contre les enquêteurs
En septembre, Alexandre Djouhri avait déjà lancé une charge contre les enquêteurs français en les accusant de mener une procédure déloyale dans cette affaire qui a valu à l’ex-président français Nicolas Sarkozy d’être mis en examen pour "corruption passive".
"En faisant croire à la justice anglaise, faussement, que j’étais un fugitif, le parquet national financier s’est fourvoyé et est aujourd’hui dans l’incapacité de justifier son mandat d’arrêt", avait-il accusé.
Lundi, son avocat Jonathan Caplan a souligné que l’affaire devait être replacée dans un "contexte politique fort", et a appelé à la barre un ancien juge d’instruction français, Hervé Lehman, qui s’en est pris au système judiciaire français.
Ce système "ne garantit pas totalement l’indépendance de la justice dans les affaires à caractère politique", a-t-il déclaré, estimant que Nicolas Sarkozy était visé par "un nombre tout à fait inhabituel de procédures pénales".
Ce qui selon lui permet de poser la question d’une volonté de "déstabilisation judiciaire" de l’ancien président, avec un Alexandre Djouhri qui devient de facto une cible "évidente" pour l’atteindre par procuration.
L’avocat des autorités françaises Ben Watson a riposté en soulignant que M. Sarkozy avait également pu bénéficier de non-lieu dans plusieurs affaires.
Après son arrestation, Alexandre Djouhri, familier des réseaux de la droite et proche de l’ex-secrétaire général de l’Élysée Claude Guéant, avait été libéré une première fois après paiement d’une caution d’un million de livres (1,13 million d’euros).
Fin février, il avait été remis en détention provisoire après l’émission d’un second mandat d’arrêt européen par la France. Puis en mars, la justice britannique avait décidé une nouvelle fois de le libérer sous caution en raison de problèmes cardiaques, avec une série de restrictions.
Alexandre Djouhri doit ainsi rester chez lui entre 02h00 et 06h00 et se présenter à un poste de police entre 12h00 et 16h00. Il ne peut en outre quitter les arrondissements londoniens de Kensington et Chelsea, où il réside, et de Westminster.
Son état de santé est un des autres axes de défense de Me Caplan, selon qui il serait "injuste et tyrannique" de le soumettre à une procédure d’extradition.
L’audience se poursuivra mardi avec l’audition de nouveaux témoins de la défense.