Sommet UE: l’avenir de l’Europe post-Brexit en débats
Au lendemain de la reconduction du Polonais Donald Tusk à la tête de la présidence du Conseil européen, les dirigeants de l’UE, sans l’Anglaise Theresa May, vont se pencher vendredi sur l’avenir de l’Europe post-Brexit.
L’ex-Premier ministre libéral polonais a été élu par "27 voix contre une", selon deux sources diplomatiques, confirmant l’écrasant soutien témoigné par les dirigeants des pays de l’UE, France et Allemagne en tête.
En représailles, la Pologne a d’ores et déjà décidé jeudi de "ne pas accepter les conclusions de ce sommet", a lancé la chef du gouvernement conservateur nationaliste polonais, Beata Szydlo.
En l’absence de consensus, ces conclusions, qui portent aussi sur des thèmes comme l’immigration, l’économie, la défense ou encore la situation dans les Balkans occidentaux, ont donc été faites au nom du président du Conseil européen, avec le "soutien de 27 Etats membres". Une tournure qui juridiquement n’engage pas le Conseil européen en lui-même puisqu’il n’y a pas eu unanimité.
Ce document "n’a pas fait consensus, pour des raisons sans lien avec sa substance", est-il précisé sur la première page.
Certains pays, comme le Luxembourg ou la Belgique, ont fait part de leur vif mécontentement de voir un problème "interne" déboucher sur un "blocage" de l’Union, a rapporté une source européenne.
‘Diktat de Berlin’
Le gouvernement nationaliste et conservateur au pouvoir à Varsovie, qui considère M. Tusk comme un ennemi politique, a qualifié de "dangereux précédent" ce vote de jeudi, vote qui à ses yeux ignore la volonté d’un Etat membre, pays d’origine du candidat de surcroît.
"Nous savons maintenant que c’est une UE sous le diktat de Berlin", a vivement réagi le ministre des Affaires étrangères, Witold Waszczykowski, interrogé par le site internet wpolityce.pl.
Varsovie reproche à Donald Tusk d’avoir abusé de ses fonctions en s’impliquant "personnellement" dans la vie politique de la Pologne, où certaines réformes récentes ont été critiquées par Bruxelles, qui a dénoncé des atteintes à l’Etat de droit.
Le blocage polonais ne change cependant rien à la réélection de M. Tusk.
"Nous avons atteint un bon résultat ce jour même si nous n’avons pas l’unanimité. Mais nous avons prolongé (le mandat) du président du conseil. Avec ça, nous sommes capables de travailler", a observé la chancelière allemande Angela Merkel.
Visiblement marqué par l’épisode mais déterminé, Donald Tusk a martelé qu’il ferait "de son mieux pour rendre l’UE meilleure" avec l’ensemble des pays membres, "sans exception".
"Comment allez-vous communiquer avec le gouvernement" en place à Varsovie, l’a harangué un journaliste. "En polonais", a laconiquement rétorqué M. Tusk.
Ce dernier va désormais continuer à assumer ses fonctions de coordinateur des sommets réguliers réunissant les chefs d’État ou de gouvernement et visant à fixer les priorités politiques de l’UE jusqu’en novembre 2019. Il avait commencé fin 2014.
Donald Tusk, tout comme son adversaire Beata Szydlo, se sont targués de vouloir défendre "l’unité de l’Europe", thème des débats que les dirigeants européens poursuivront vendredi matin à Bruxelles, mais sans le Royaume-Uni cette fois.
Après le cas Tusk, les 28 ont notamment évoqué la politique commerciale de l’UE, ébranlée par l’opposition populaire croissante à l’égard des traités de libre-échange, en particulier celui conclu avec le Canada (CETA) ou négocié avec les Etats-Unis (TTIP/TAFTA).
‘Plusieurs vitesses’
Vendredi, sans la Première ministre britannique Theresa May, ils consacreront la matinée à la préparation de la "Déclaration de Rome", qu’ils souhaitent publier pour les 60 ans du traité fondateur de la Communauté -devenue Union- européenne qui seront célébrés à Rome le 25 mars.
Ce texte solennel devrait montrer que l’UE restera unie après le Brexit.
Mais c’est l’idée d’un avenir à "plusieurs vitesses" pour l’Europe qui cristallise les débats: elle est fortement soutenue par la France et l’Allemagne, désireuses notamment de pouvoir renforcer la défense européenne sans être bloquées par des États récalcitrants.
D’autres pays s’inquiètent cependant de devenir des membres de deuxième zone de l’Union, comme ceux du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie), qui se sont notamment illustrés ces derniers mois par leur vive hostilité à la politique migratoire de l’UE.
Avec AFP