Restitution des crânes algériens: le Muséum d’histoire naturelle est « prêt »

Le Muséum national d’histoire naturelle se tient « prêt pour accompagner le processus de restitution » des crânes de combattants algériens tués lors de la colonisation de leur pays par la France au XIXe siècle et conservés dans ses collections, assure son président Bruno David.

Lors de sa visite à Alger le 6 décembre, le président Emmanuel Macron s’est engagé à restituer les restes humains algériens conservés au Musée de l’Homme, l’un des sites du Muséum. "Un dialogue bilatéral a été engagé depuis sur ce sujet", a précisé vendredi le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, interrogé par l’AFP.

"Nous comprenons parfaitement la nécessité de ces restitutions, étant donné le contexte historique", déclare Bruno David, dans un entretien à l’AFP. "Ces restes humains sont entrés dans nos collections d’anthropologie à la fin du XIXe siècle à la suite de différents épisodes liés à la conquête française de l’Algérie".

C’est un historien algérien, Ali-Farid Belkadi, qui a soulevé en 2011 la question de ces crânes d’Algériens après avoir mené des recherches au musée. "Nous lui avons ouvert nos inventaires, dans un souci de transparence", explique Alain Froment, ancien responsable des collections de restes humains au musée de l’Homme.

Dans une tribune en ligne, Ali-Farid Belkadi, qui réclame le retour en Algérie de ces restes, déplorait notamment que les crânes soient "calfeutrés dans de vulgaires boîtes cartonnées, qui évoquent les emballages de magasins de chaussures".

Une critique réfutée par Bruno David: "il s’agit de boîtes spécifiquement destinées aux collections et coûteuses". "Ces crânes sont rangés dans des armoires fermées à clef, dans des salles fermées à clef. En outre, dès mon arrivée à la tête du Muséum fin 2015, j’ai décidé que l’on n’aurait plus le droit de voir ces crânes, par respect pour ces restes humains identifiés. Moi-même je ne les ai jamais vus".

Ces dernières années, des pétitions, signées notamment par les historiens Benjamin Stora, Pascal Blanchard et Mohammed Harbi, ont demandé le retour de ces restes en Algérie.

Combien de crânes sont concernés sur les 18.000 du monde entier (dont celui du philosophe Descartes) conservés au musée, dont l’immense majorité ne sont pas identifiés?

"Une liste de 41 crânes identifiés provenant d’Algérie" a été "transmise à l’Elysée", répond le patron du Muséum. Parmi eux, il y a la fois des résistants, des Algériens ayant combattu avec les Français mais aussi possiblement des "droits communs".

"Pour le moment, nous avons pu établir que sept crânes sont, de manière indubitable, ceux de résistants algériens", indique M. David.

Il y a notamment ceux du cheikh Bouziane, chef de la révolte de Zaâtcha (est de l’Algérie) en 1849. Capturé par les Français, il est fusillé puis décapité. Il y aussi aussi le crâne de l’un de ses lieutenants (dont la tête est momifiée). Ils sont entrés dans les collections du Muséum en 1880.

Il y a également le crâne du célèbre Mohammed Lamjad ben Abdelmalek, dit chérif "Boubaghla" ("l’homme à la mule"), initiateur d’une révolte populaire, tué en 1854.

Après les combats, ces crânes étaient considérés comme des "trophées de guerre" par les militaires, rappelle Alain Froment. "Des dizaines d’années plus tard, ces crânes ont été donnés au Muséum par des médecins militaires désireux d’élargir la connaissance de la diversité humaine", ajoute-t-il.

Le musée de l’Homme a établi que six autres crânes étaient ceux d’Algériens ayant combattu aux côtés de l’armée française, et décédés de maladie.

Enfin, "il y a 28 crânes qui nécessitent un approfondissement de leur identification", souligne Bruno David. "Parmi eux, il est possible qu’il y ait des détenus de droit commun mais aussi des gens morts à l’hôpital et également des résistants algériens", dit-il.

Le Musée de l’Homme est un musée de France dont les collections sont inaliénables. Ces crânes lui ayant été donnés, ils ne peuvent sortir des collections nationales que grâce à une loi que la France va préparer.

"Pour notre part nous sommes prêts. Nous attendons les instructions du gouvernement", dit Bruno David.

AFP

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