L’instance supérieure indépendante des élections (ISIE), dont les membres ont été récemment désignés par le chef de l’Etat, Kaïs Saïed a annoncé que 9,272 millions d’électeurs sont d’ores et déjà inscrits au registre électoral.
Sur le plan de la logistique, 11 mille bureaux de vote à travers le pays seront ouverts pour la circonstance et les résultats préliminaires de cette consultation seront annoncés à partir du 26 juillet alors que quant aux définitifs, ils ne seront pas annoncés avant le 28 août.
Manifestement, le référendum du 25 juillet s’annonce, plus que jamais indécis et ses enjeux difficilement mesurables.
Même si certains observateurs prédisent un passage au forceps de ce projet, au regard de l’atomisation de l’opposition, de l’effritement des grands partis politiques, notamment du parti islamiste Ennahdha, qui tente vainement de renaitre de ses cendres, il n’en demeure pas moins vrai que le pays parait, plus que jamais, divisé en plusieurs camps difficilement conciliables.
Il y a ceux qui défendent bec et ongles un projet qui doit marquer une rupture totale avec plus de dix années de gestion chaotique qui ont conduit le pays à une sorte de gabegie politique, de difficultés économiques et de tensions sociales récurrentes.
Il y a également ceux qui redoutent, au regard des dispositions du projet soumis à la consultation populaire, un retour pur et dur à un « autoritarisme inquiétant », appelant de tous leurs vœux à un vote hostile et il y a, enfin, les abstentionnistes qui se recrutent dans tous les courants et mouvements et dont la proportion risque d’être dominante, et qui refusent d’avaliser un projet dont ils ignorent les tenants et les aboutissants.
Dans un tel climat de division et de dispersion extrême des forces politiques et sociales, tout indique que les dés sont d’ores et déjà jetés et que le référendum se transformera en une sorte de plébiscite pour ce projet politique présenté et défendu par le président Saïed.
Il s’agit d’un projet, qui a fait l’objet d’une polémique entre les partisans du président qui ont mené une campagne terne et les opposants qui ne finissent pas de dénoncer un projet liberticide et un « virage vers un régime présidentialiste ».
A quelques jours seulement du scrutin, la tension reste latente mais la partie semble gagnée d’avance pour les partisans de Kaïs Saïed qui redoutent quand même une forte désertion des bureaux de vote.
Il faut noter que le projet de Constitution, objet de la consultation populaire, a été élaboré dans un esprit de rupture avec un système politique institué en 2014 qui a engendré une fragmentation des pouvoirs, un sentiment de rejet chez les Tunisiens d’une classe politique qui a favorisé le clientélisme et le partage du gâteau versant le pays dans les abysses du doute et d’une paralysie institutionnelle.
En dépit de tout cela, ce projet peine à susciter un large consensus et ses dispositions, parfois imprécises, ont été à l’origine de fortes inquiétudes et de polémiques tant le chambardement institutionnel qu’il prévoit est important.
Si la Constitution proposée devrait couper court à tous ces errements, il ne reste pas moins vrai que ce texte octroie de larges prérogatives à l’institution de la présidence voire même une mainmise complète sur l’appareil de l’Etat.
La nouvelle loi fondamentale laisse au président toute la latitude de déterminer la politique générale de l’Etat. Bien plus, plusieurs instances allaient tout simplement disparaître, à l’instar de l’instance contre la corruption alors que la Cour constitutionnelle sera conduite par des magistrats désignés par le président.
Le pouvoir judiciaire serait réduit à une « fonction », tandis que le Parlement se trouverait divisé en deux chambres : l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et le Conseil national des régions et des localités.
Quant à la possibilité de censure du gouvernement par le Parlement, elle est soumise à des conditions si complexes qu’impossible à satisfaire, selon les analystes.
Pour cette raison et bien d’autres, le projet de la nouvelle constitution a été sévèrement critiqué par une grande partie de la classe politique et des organisations de la société civile nationale.
Le président de l’instance consultative pour une nouvelle République, le professeur de droit constitutionnel, Sadok Belaid, qui a pourtant élaboré un premier projet, a fini par se démarquer du document final publié dans le journal officiel. Il n’a pas tardé à adresser ses piques à ce projet soutenant que « le texte qui a été publié et soumis à un référendum n’est pas lié à celui que nous avons préparé et soumis au président ».
D’après un grand nombre d’observateurs, si le référendum devrait marquer un virage politique en Tunisie et annoncer la fin de l’islam politique, ce qui inquiète le plus c’est le jour d’après l’annonce des résultats.
C’est de la qualité des réponses et des réformes qui seront introduites dans la foulée qu’on pourrait mesurer à sa juste valeur la portée du changement politique introduit par la nouvelle Constitution.