Les bouquinistes de Paris, « gardiens d’un patrimoine culturel ancestral »
Tout au long des quais de la Seine, de vieux livres jetés pèle mêle s’offrent aux regards des passants. En touchant leurs couvertures usées par le temps, en humant l’odeur du vieux papier, une sensation de nostalgie fait plonger le visiteur dans un autre siècle.
Installés sur plus de trois kilomètres le long de la Seine et déclarés patrimoine mondial de l’Unesco, les 235 bouquinistes parisiens exploitent 940 ‘’boîtes vertes’’ où sont exposés quelque 300.000 livres anciens d’occasion et un très grand nombre de revues, timbres et cartes de collection.
Tous ou presque sont là : Zola, Balzac, Molière, Rousseau… Ces écrivains, célèbres qui ont marqué l’histoire. Toujours en flânant dans ces petits temples éclairés juste d’une lampe, le lecteur découvre avec bonheur des manuscrits romains, arabes, des livres d’histoire, de philosophie et des sciences sociales, témoins de plusieurs cultures et civilisations.
Ils sont aussi là et bien vivants ces compagnons de l’enfance française ‘’La ronde des mots’’, ‘’la lecture en action’’, ‘’Bien lire et comprendre’’ et aussi les manuels d’histoire, de géographie et de grammaire qui attestent d’une génération éduquée avant l’avènement de l’internet et de la télévision numérique.
Jonchés par terre, romans policiers d’Arsen Lupin, encyclopédies, dictionnaires, ouvrages d’art, entravent le pas et poussent à revenir dans le temps. Au sein de l’allée qui donne sur la place Pey Jussieu, Vous pouvez quand vous êtes pris par l’envie d’humer les odeurs des livres anciens, vous arrêter chez Laurent Gravier qui tient depuis 12 ans un magasin. Sa boutique possède une large clientèle, elle est généraliste : des livres de poches aux documents anciens, en passant par les bandes dessinées (35% de ses ventes). D’ou viennent ces tas de livres ? Quelle main a pu se séparer de ces trésors ?
‘’Notre clientèle se compose de toutes les catégories de population : professeurs, étudiants, artistes, retraités, explique-t-il, à Atlasinfo avant de préciser qu’il reçoit la plupart de ses livres de leurs propriétaires qui en sont séparés pour plusieurs causes : déménagement, manque d’espace ou problèmes financiers. ‘’Et comme on ne jette pas un livre, sa vie se prolonge chez moi’’.
A l’approche de la rentrée scolaire, ce bouquiniste se transforme en libraire. Il vend des programmes dans des packages complets, en fonction des niveaux scolaires et moyennant des sommes modiques. Et depuis trois ans, il est présent sur les salons et manifestations de bouquinistes pour aller à la rencontre de nouveaux clients.
C’est aussi le cas de Norbert Lavieu, bouquiniste spécialisé dans les livres anciens. Il participe aux foires et salons, où il expose des livres achetés en salles des ventes, chez des particuliers, ou encore chez d’autres bouquinistes. Mais il a également une approche d’‘’expert’’, puisqu’il prépare certaines salles des ventes : il vérifie l’état des livres, leur intérêt avant d’établit les prix…
Ce qui frappe en premier, c’est la sympathie de ce milieu et les personnes passionnées qui le composent. ‘’Ce sont des lieux de vente mais aussi de promenade littéraire. Les gens viennent aussi pour découvrir des siècles de littérature, d’art, de philosophie, de poésie et de culture’’, lance fièrement Naceur Lamrani, vieux bouquiniste, propriétaire depuis 1971 d’une boutique au bord de la Seine. ‘’Hélas le métier manque aujourd’hui de relève et se perd chez les jeunes’’, se désole cet algérien de 68 ans.
Laurent, Norbert, Naceur ..et autres, font partie aujourd’hui de ces antiquaires qui présentent un large choix de bouquins de seconde main et qui s’estiment, à ce titre, ‘’les gardiens d’un patrimoine culturel ancestral’’. Ils déplorent les nouvelles méthodes de marketing qui semblent gagner du terrain : marchandage, enchères, soldes…et aussi la concurrence déloyale des brocantes (vides grenier), lieu de prédilection d’un grand public. Leur souhait : Une forte association pour mieux s’organiser et servir le lecteur. En attendant, ils conservent jalousement leur bien et restent confiants dans l’avenir.
Anas Bachir