L’Union pour la Méditerranée décapitée
En créant cet espace de coopération, Nicolas Sarkozy ambitionnait de donner à l’Europe un poids suffisant pour influer enfin sur le processus de paix au Proche-Orient, mais l’UpM s’est heurtée à de nombreux obstacles.
"Tout est conceptuel, rien ne se passe dans la pratique"
Selon un diplomate de l’UpM, s’exprimant à l’AFP sous couvert d’anonymat, la démission du Jordanien illustre sa lassitude à l’égard de la "paralysie" de l’organisation, impuissante à dépasser les blocages nés notamment du conflit israélo-palestinien. Depuis sa création, l’UpM n’a cessé d’être tributaire de cette question. Ses activités ont été gelées pendant et après l’offensive israélienne sur Gaza fin 2008-début 2009 et il avait fallu un an et demi pour la doter à Barcelone d’un secrétaire général assisté de six adjoints, dont un Palestinien et un Israélien. Pour 2011, "il n’y a ni sommet ni réunions de ministres des Affaires étrangères" prévus, déplore le même diplomate, en évoquant aussi des problèmes d’effectifs et de budget pour le secrétariat général. A l’UpM, "tout est conceptuel, rien ne se passe dans la pratique", ajoute-t-il. L’UpM regroupe 43 pays: les 27 de l’Union européenne, la Turquie, Israël et les pays arabes riverains de la Méditerranée.
En créant cet espace de coopération, Nicolas Sarkozy ambitionnait de donner à l’Europe un poids suffisant pour influer enfin sur le processus de paix au Proche-Orient. En 2010, le conflit israélo-palestinien – encore lui – a provoqué à deux reprises le report d’un sommet de chefs d’Etat et de gouvernement de l’UpM, d’abord prévu en juin puis en novembre. Aucune nouvelle date n’est avancée. Nicolas Sarkozy avait alors assuré que "la France ne renoncera pas au projet d’Union pour la Méditerranée", soulignant qu’il s’agissait d’un "élément majeur de sa politique étrangère". La démission du diplomate jordanien et ses motivations sont un nouveau coup dur pour la France dans le monde arabe.
Erreurs de jugement
La révolution tunisienne a mis en évidence des erreurs de jugement du gouvernement français, qui a mis du temps à prendre la mesure du soulèvement populaire et longtemps soutenu l’ex-président Zine El Abidine Ben Ali. La stratégie de Paris est aussi mise en difficulté au Liban. Sa politique de la main tendue vis-à-vis de la Syrie n’a pas permis d’éviter l’émergence du Hezbollah chiite et pro-iranien comme force centrale de la scène politique libanaise. Depuis le lancement de l’UpM, ses promoteurs cherchent à privilégier des projets concrets. Parmi les domaines abordés figurent l’eau, l’énergie solaire ou les transports.
Mais dans la pratique, une simple référence dans un texte aux "territoires occupés" est en mesure de faire capoter l’élaboration d’une stratégie pour l’eau en Méditerranée comme cela a été le cas en avril 2010. Le conflit israélo-palestinien n’est pas seul en cause dans les problèmes de l’UpM. L’organisation peut aussi se bloquer en raison des discordes entre l’Algérie et la Maroc ou entre Grecs et Turcs sur Chypre. L’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine avait estimé, dans un entretien récent à l’AFP, que la dimension institutionnelle et politique de l’UpM demeurait "prématurée, hyper-fragile et bancale".