L’islam zapping des born-again Muslims

Les étudiants musulmans ont développé des modalités individuelles de leur pratique religieuse. Pour Leyla Arslan, on a parfois une culture du zapping, libre mais très changeante.

L’islam zapping des born-again Muslims
Dans son livre Enfants d’Islam et de Marianne. Des banlieues à l’Université (PUF), Leyla Arslan dresse le portait des étudiants musulmans issus des quartiers populaires. Elle montre dans quelle mesure leur pratique libre et individualiste de l’islam gêne les autorités, incapable de les contrôler. Insistant sur la diversité de cette population, qu’on présente trop souvent de façon homogène, Leyla Arslan, docteur en sciences politiques et chargée d’étude à l’institut Montaigne, distingue chez ces jeunes trois types d’attitude face au religieux. Entre les deux extrémités de l’éventail où se situent ceux qui quittent l’islam, d’un côté, et les born-again Muslims, de l’autre, il y a la grosse majorité pour laquelle l’islam sert surtout de repère moral et culturel. Le premier groupe est ultra-minoritaire et essentiellement composé de musulmans convertis au christianisme ou de Kabyles algériens. Les born-again Muslims ont une conception très différente de celle de leurs parents, contre le ritualisme desquels ils se dressent. Ils se forment à travers internet, les livres et les associations musulmanes et sont souvent identifiables à travers leur style vestimentaire. Ils vivent la plupart du temps un « islam déterritorialisé ; « c’est comme s’ils faisaient des maths, explique Leyla Arslan, ils appliquent des formules sans voir l’ensemble du système. » Mais ce deuxième groupe n’est pas majoritaire. Il vient après la plus grande partie des étudiants musulmans qui vivent un islam essentiellement moral et culturel. Ces « confessant séculiers, pour reprendre l’expression de Jocelyne Césari, n’ont pas de recherche particulière, ils ne sont pas très pratiquants mais respectent toujours le ramadan et l’interdit du porc. » Toutefois les frontières entre ces différents groupes ne sont pas étanches et très souvent une même personne en traverse plusieurs. Leyla Arslan note, par exemple, que les salafistes sont plutôt jeunes, ils ont rarement 40-50 ans car « ce qui faisait sens à un moment du vécu de l’individu ne fait plus sens plus tard. »

La crise de l’autorité

Elle rappelle ainsi à quel point, malgré leurs prétentions à un vrai islam désincarné, ces jeunes restent tributaires du contexte dans lequel ils vivent. Ils sont profondément tributaires de l’individualisme moderne dans leur façon de choisir et de changer de voie. « On est dans une culture du zapping, explique Leyla Arslan, avec une primauté du droit individuel, si bien que l’on ne sait plus qui représente l’autorité religieuse. » Chacun choisira en fonction de ses propres critères ce qui peut incarner cette autorité que les parents et l’islam traditionnel ont perdu. Si l’enquête menée par Leyla Arslan casse l’idée de jeunes subissant passivement la pression de telle ou telle autorité religieuse ou parentale, cette liberté ne rassure pas pour autant les pouvoirs publics, soutient-elle, dans la mesure où cette absence de figures d’autorité rend bien plus difficile le travail de contrôle. D’ailleurs, les jeunes eux-mêmes refusent ce contrôle : « ils refusent, tous, de s’identifier collectivement et politiquement comme musulmans, l’attitude commune est : moi je vais être le seul maître de mon identité. Ce n’est pas l’Etat qui va me mettre dans une case musulman. » Ils veulent ainsi construire eux-mêmes la relation à leurs origines et refusent que la puissance publique les identifie comme tel.

Encadré :

Les études n’incluent pas assez souvent les franco-turcs

Le débat controversé sur l’islam de France, qui doit avoir lieu début avril au sein de l’UMP, ne passionnera pas beaucoup les jeunes musulmans français. Car, pour ces derniers, la religion appartient avant tout au domaine privé explique Leyla Arslan. Elle est venue présenter son livre, tiré d’une thèse qu’elle a soutenue à Science Po, le jeudi 3 mars dans les locaux de l’association Plateforme à Paris. Regrettant que dans la littérature scientifique « on ne parle généralement que de la communauté maghrébine et principalement algérienne », elle choisit cette fois-ci d’interroger également des personnes d’origines turque et noire africaine. C’est à la suite des émeutes de 2005, en voyant le traitement médiatique des jeunes de banlieues, que Leyla Arslan a choisi le sujet de sa thèse.Une étude qu’elle a finalement recentré sur la catégorie des étudiants.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite