Etats-Unis : des taux longs faibles pour faciliter et renforcer la croissance

Le rendement des titres d’Etat américains est récemment (le 25 mai) tombé à un point bas, à 3,16% pour l‘emprunt (T–bond) à dix ans. Il s’est légèrement repris depuis (rendement de 3,36% aujourd’hui), encouragé par une amélioration anticipée de la croissance américaine. Pour remettre les choses en perspectives, il convient d’examiner le taux réel, c’est-à-dire le taux nominal déflaté de l’inflation (nous retiendrons l’inflation courante afin de simplifier le calcul).

Etats-Unis : des taux longs faibles pour faciliter et renforcer la croissance
Celui-ci est actuellement de l’ordre de 1,5%, à comparer sur une moyenne des dernières 50 années (1960-2010) de 2,7%. Et à rapprocher du taux sur la période dite de « grande modération » (1985-2005) de 3,6%. Cela dit, il est arrivé que le taux réel devienne négatif, comme sur la période postérieure au premier choc pétrolier (1974-1980), où il est alors ressorti à -0,7% en moyenne, où de manière ponctuelle, à l’image de la période suivant la faillite du courtier Lehman Brothers (2008).

Que penser de la faiblesse du taux sans risque et de sa baisse récente ? C’est à priori un élément positif, car il favorise les coûts de financement de l’économie américaine et consolide la croissance. Dans le même temps, ce taux sans risque reflète une anticipation des perspectives de l’économie américaine, ce qui montre que les opérateurs escomptent désormais une croissance sensiblement plus faible à venir. Mais peut-être que les marchés ne font que se mettre au diapason des politiques économiques et budgétaires adoptées par les Etats dans le monde.

Dans nos précédentes analyses, nous avions indiqué que les Etats-Unis devraient à l’avenir fortement réduire leur déficit budgétaire et leur endettement, et il semble aujourd’hui que l’heure (définie par les marchés) ait sonné. Cette « contrainte » du désendettement public s’impose, alors que le risque déflationniste n’est pas exclu.

Paradoxalement, cette baisse des rendements obligataires résulte d’un arbitrage (« fly to quality ») qui pousse les opérateurs à s’écarter des dettes publiques les plus risquées (pays d’Europe du Sud) et les moins liquides, vers celles des Etats-Unis ou d’autres pays jugés « sûrs » (Allemagne, Pays-Bas, pays nordiques, …). A l’aune des perspectives de croissance (2,7% estimé pour 2010) et des anticipations inflationnistes (2,5% E pour 2010), les Etats-Unis sembleraient profiter d’une prime de risque obligataire négative, situation illusoire et provisoire s’il en est…

L’évolution des indicateurs économiques, en particulier celui du climat des affaires (ECRI), montre que l’économie américaine manifeste actuellement quelques signes de faiblesse. L’indice ECRI est en effet retombé quasiment à zéro, alors qu’il évoluait largement en territoire positif précédemment, indiquant une croissance annualisée de l’ordre de 4%. Cependant, il convient de relativiser cet indicateur au vu du poids des variables financières, dans un contexte où les sociétés du secteur sont très chahutées du fait de la soudaine remontée de l’aversion au risque.

Par ailleurs, l’indicateur avancé mensuel du Conference Board (-0,1% en avril) se tasse également, mais n’indique pas vraiment une récession à venir. Au final, la croissance de l’économie américaine s’avère moins soutenue qu’attendu, mais sur un trend de l’ordre de 2,7% qui reste beaucoup plus « confortable » que celui de la Zone euro…

Sur le front des statistiques économiques américaines cette semaine, relevons que :

1) Le marché du travail enregistre une baisse des inscriptions hebdomadaires au chômage (-14 000) pour la semaine du 15 au 22 mai à 460 000 demandes, qui ne compense pas cependant le rebond observé la semaine précédente. Toutefois, les inscriptions semblent se stabiliser un peu au-dessus de la barre des 450 000 depuis plus de deux mois. Le Conference Board relève que les ménages américains commencent à percevoir une amélioration sur le marché de l’emploi.
2) L’indicateur ECRI du climat des affaires continue de chuter, à 0,6, la hausse s’établissant désormais à 8,7% sur la semaine, à 12,9% sur un mois, mais à -7,4% en moyenne annualisée. Les raisons de ce recul sont détaillées un peu plus haut. La prochaine publication de l’indice ISM du sentiment économique devrait traduire ce recul.
3) L’indice de confiance des ménages américains s’améliore légèrement, comme suggéré par l’enquête du Conference Board, mais reste très inférieur aux moyennes historiques. Notons que l’indice de confiance calculé par l’Université du Michigan progresse lui aussi en mai.
4) Le taux d’intérêt réel avoisine les 1,5%, contre une moyenne historique de 2,7% sur les 50 dernières années, ce qui fonde le titre de notre note économique hebdomadaire.
5) Logiquement, au vu des éléments précédents, le taux des emprunts hypothécaires baisse par contagion, avec un taux standard à 30 ans de 4,80%. Les demandes de refinancement ont nettement rebondi en mai.
6) La Réserve fédérale (Fed) a rétabli ses lignes de swap avec la Banque centrale européenne (BCE), qui restent pour l’instant symboliques (1,2 milliard d’USD, à comparer à plusieurs centaines de milliards de dollars au dernier trimestre 2008…).
7) Le dollar américain continue de se réapprécier par rapport à l’euro (+10% depuis le début de l’année), mais ne compense pas son évolution historique (-12% sur 20 ans contre l’ECU puis l’euro…).

Didier Lacaze, analyste financier SFAF

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