Covid-19/Unesco/Ambassadeur Samir Addahre : « L’ampleur exogène du choc nous amène non pas à penser redémarrage mais plutôt reconstruction »

Question palestinienne, mise en place de programmes éducatifs innovants , trafic illicite des biens culturels, une meilleure répartition géographique des Géoparcs et la « Priorité Afrique » ont dominé le contenu de la prise de parole du Délégué Permanent du Maroc auprès de l’Unesco, lors de l’ouverture jeudi de la 209éme session du Conseil Exécutif de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture. Nous avons interviewé l’Ambassadeur Samir Addahre, à l’issue de la première journée de cette session qui durera 10 jours.

La création de la « Priorité Afrique » date de 1989. Elle a pour objectif de traduire l’engagement de l’Unesco, dans l’accompagnement du développement du continent africain. C’est là l’une des thématiques phares de l’agenda de cette session qui revêt un caractère exceptionnel de par le contexte dans lequel elle se tient.

La « Priorité Afrique » est stratégique pour le Maroc

Interrogé par AtlasInfo.fr à l’issue de la plénière d’ouverture du Conseil Exécutif de l’Unesco, l’Ambassadeur Délégué Permanent du Maroc auprès de l’organisation onusienne, a rappelé que « pour le Maroc, cette « Priorité Afrique » est stratégique et doit devenir une réalité ». Pour cela, soutient Samir Addahre « Il faut revoir la cohérence et la complémentarité des programmes pour des résultats concrets et tangibles, au plus près des besoins des populations africaines ».
A l’Ambassadeur d’ajouter que « si une seule leçon devait être tirée de la crise de la Covid-19 c’est l’urgence de la mise en place d’actions opérationnelles pour enrayer les effets dévastateurs de la pandémie sur les systèmes éducatifs, culturels et scientifiques. Ces actions nécessitent la conjugaison des efforts des pays concernés et de l’Unesco dont la stratégie devra être mise en cohérence avec l’agenda 2063 de l’Union Africaine ».
Co-auteur du projet de décision sur la « Priorité Afrique », le Maroc, par la voix de son Délégué Permanent devant le Conseil Exécutif de l’Unesco hier matin, s’est félicité de l’élaboration de ce projet de décision « dans un esprit de solidarité et de consensus qui a marqué le travail commun africain. »
« Le Maroc milite pour une rupture raisonnée et rapide avec les politiques qui freinent l’émergence d’un modèle africain régénéré .Ce modèle doit être suffisamment créatif de sorte à mobiliser et rétablir la confiance auprès de millions d’africains », déclare Samir Addahre à AtlasInfo.fr.
AUDREY AZOULAY, Directrice Générale de l’UNESCO
A la lumière de cette crise sanitaire, « Il y a une ambition très forte de la Directrice Générale, Audrey Azoulay de mettre en place une approche novatrice de l’Unesco dans le traitement de la « Priorité Afrique ». Le Royaume quant à lui, plaide pour une plus grande audace, de celles qui transforment chaque opportunité en une chance de progrès qui  puisse directement impacter le quotidien des peuples africains ».

Une pandémie qui a fragilisé les systèmes de gouvernance

Ce temps de l’action s’est imposé avec la pandémie qui n’épargne aucun continent de la planète, générant de « la détresse sanitaire, sociale et humaine », a constaté le représentant du Maroc dans son discours devant le Conseil Exécutif. Il est encore trop tôt pour évaluer l’impact réel et définitif de cette crise qui a fragilisé les systèmes de gouvernance déjà mis à mal avant la crise.
Aussi pour l’Ambassadeur du Maroc, « l’ampleur exogène du choc nous amène non pas à penser « redémarrage » mais plutôt « reconstruction » pour que soient engagées  « des transformations durables dans la dynamique de la société mondiale », a-t-il plaidé. Là-dessus, « l’Unesco doit répondre aux attentes des états membres et aux aspirations de leurs peuples au développement durable », notamment.

Réinventer les politiques éducatives

Dans cette perspective, l’initiative « l’avenir de l’éducation » est l’action la plus ambitieuse de l’Unesco, selon Samir Addahre car elle a pour objectif de « réinventer les politiques de l’enseignement, du savoir et de l’apprentissage ».
Après avoir rappelé le rôle de l’Unesco qui est d’abord « normatif et intellectuel, assorti d’actions de conseils, d’orientation et d’accompagnement des politiques nationales », l’Ambassadeur du Maroc a préconisé que l’accent soit mis sur le « rééquilibrage entre les échelles universelle, régionale et opérationnelle de l’organisation ».

Augmentation du trafic illicite des biens culturels pendant le confinement

Dans son intervention, le Délégué Permanent s’est inquiété de l’accroissement « notable » des ventes frauduleuses de biens culturels sur les marchés de l’art en ligne.
Un phénomène grave qui compromet la sauvegarde du patrimoine des états membres et la lutte contre ce commerce illicite. « Il est impératif d’intensifier nos efforts pour faire respecter les normes éthiques sur le marché de l’art », a t’il souligné, en émettant le souhait que la commémoration du 50éme anniversaire de « la Convention de 1970 sur le trafic illicite des biens culturels » puisse contribuer à une nécessaire prise de conscience.

Déséquilibre dans la répartition géographique des Géoparcs

Tout comme il a souhaité, en évoquant le programme des Géoparcs mondiaux de l’Unesco, attirer l’attention des états membres et du secrétariat de l’organisation sur le « déséquilibre géographique » concernant la désignation des Géoparcs. En effet, l’Afrique n’en compte que 2, celui de MGOUN dans la région de Tadla-Azilal au Maroc, premier géoparc d’Afrique et du monde arabe, et celui de Tanzanie.
Le parc MGOUN dans la région de Tadla-Azilal au Maroc
Le monde arabe ne compte que le parc de MGOUN et l’Afrique, seulement 2, y compris celui du Maroc. Là-dessus, Samir Addahre a appelé l’organisation à la mise en place d’une stratégie pour encourager et soutenir les régions qui disposent de peu de Géoparcs.
Si la candidature de celui de MGOUN était retenue pour abriter la 10éme Conférence Internationale des Géoparcs Mondiaux de l’Unesco qui se tiendra en 2022, elle serait la première en terre africaine et arabe.
Sans doute que cela stimulerait l’obtention par d’autres pays de la région de ce prestigieux label pour lequel deux critères sont essentiels aux yeux du bureau du Réseau Mondial des Géoparcs, émanation de l’Unesco : présenter un territoire qui recèle un patrimoine naturel, géologique culturel et architectural riche et être doté d’une structure de gestion adéquate et d’une vision de développement socio-économique qui s’appuie sur le géotourisme et le tourisme durable.

La question palestinienne au centre des préoccupations du Groupe des Etats arabes

En sa qualité de Président du Groupe des Etats arabes au sein de l’Unesco, l’Ambassadeur Addahre s’était longuement arrêté, au début de son intervention, sur la déclaration dénonçant l’impact des plans israéliens illégaux d’annexion sur les domaines de compétence de l’organisation en Palestine occupée.
Cette déclaration du Groupe arabe condamne fermement le plan d’Israël « puissance occupante d’annexer de larges parties de la Cisjordanie , y compris la Vallée du Jourdain », peut-on lire dans la déclaration du Groupe arabe adressée aux 193 états membres de l’Unesco.
EHAB BADAWI, Ambassadeur d’Egypte
Rappelant l’action du Roi Mohammed VI sur la question palestinienne, en sa qualité de Président du Comité Al Qods, l’Ambassadeur du Maroc a également salué le rôle du Roi de Jordanie, protecteur des lieux saints chrétiens et Musulmans de la ville d’Al Qods (Jérusalem).
Plus tôt lors de la session d’ouverture, l’Ambassadeur d’Egypte, Ehab Badawi, Vice-Président du Conseil Exécutif de l’Unesco, avait également rendu un hommage appuyé aux « efforts déployés par le Souverain du Maroc dont l’action vise la préservation de l’identité arabe et le caractère exceptionnel de la ville sacrée d’Al Qods », comme berceau et symbole de la coexistence et du respect mutuel entre les trois religions du livre.

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