Chantage, mensonge et vidéo : « Zakaria Moumni n’est pas important, c’est l’instrumentalisation de son affaire qui l’est »
Les récentes révélations sur l’ex-kickboxeur Zakaria Moumni constituent une véritable bombe mediatico-politique. La vidéo dans laquelle lui et son épouse à l’époque des faits, Taline Sarkissian, négocient avec un représentant marocain le prix de leur silence après avoir accusé le Maroc d’enlèvement et de tortures, ne laisse aucune place au doute quant à la terrible duplicité cultivée pendant plus de dix ans par le couple vénal. Le judoka Adil Belgaïd, septuple champion d’Afrique, a failli être broyé par l’énorme machination élaborée par l’ex-kickboxeur. Elle avait pour finalité de soutirer des sommes d’argent colossales à l’Etat marocain.
Il raconte à AtlasInfo.fr son rôle dans cette affaire grand-guignolesque qui n’a pas fini de révéler tous ses secrets.
Propos recueillis par Hasna Daoudi
Dans quelles circonstances a eu lieu votre première rencontre avec Zakaria Moumni ?
Adil Belgaïd : J’ai rencontré Zakaria Moumni à la demande de sa femme, désormais ex-épouse. Elle m’avait contacté, en ma stricte qualité de sportif marocain et de président d’une association qui aide les sportifs MRE, pour que j’apporte de l’aide et du soutien moral à Zakaria Moumni, qui venait de se faire condamner par la justice marocaine pour son implication dans une affaire d’escroquerie.
Franchement je n’avais jamais entendu parler de lui auparavant, ni en tant que « champion du monde », ni en tant qu’athlète de haut niveau, alors que tous les noms de nos sportifs sont connus sur le bout des doigts dans notre microcosme sportif.
Vous avez donc répondu à l’appel de Taline, la femme de Zakaria Moumni. Il dit de vous que vous avez été « mandaté » pour entretenir le contact avec lui. Est-ce vrai ?
Encore une fois, je ne le connaissais pas. C’est l’ex-épouse de Moumni qui m’a informé, pour la première fois, des prestations de son mari dans le light-contact et de son parcours dans cette discipline. A l’époque, j’ai créé, après ma participation aux JO de 2004 à Athènes, un collectif pour aider et accompagner les sportifs issus de l’émigration.
J’ai vraiment été choqué par les propos insensés et mensongers de Zakaria Moumni. Qui suis-je pour que je sois « mandaté » par mon pays ou pour que je me permette de m’exprimer en son nom ? Je reste tout simplement un sportif marocain qui aime son Roi et son pays, dont j’ai hissé avec une immense fierté le drapeau lors de nombreuses manifestations sportives internationales.
Ceci étant dit, il est important de souligner qu’honorer le drapeau de son pays ou décrocher un titre authentique et reconnu de champion du monde ne vous donne aucunement le droit de vous considérer comme étant au-dessus de tout le monde, ni ne vous autorise à insulter et à diffamer les gens, encore moins d’exiger une rente.
Je vous précise tout cela pour vous rappeler que les sportifs, quels qu’ils soient, sont dans l’obligation de respecter une charte éthique, qui reflète un système de valeurs basé sur la discipline, le respect, la loyauté et la sincérité. Malheureusement, on remarque de plus en plus que ces valeurs sont piétinées par toute sorte d’intrus et d’opportunistes, attirés plus par les rêves de fortune que par le sport lui-même.
Excusez-moi d’insister mais qu’est-ce qui a pu donner le sentiment à Zakaria Moumni que vous auriez pu être un bon intermédiaire pour accéder aux plus hautes autorités marocaines, en l’occurrence le Roi ?
Votre question est capitale et elle me donne l’occasion de faire une mise au point nécessaire et même, je le dis franchement, de diffuser un message à mes pairs sportifs au Maroc ou établis partout à travers le monde. J’ai personnellement eu l’immense privilège de rencontrer le souverain, à la faveur de mes titres sportifs. C’est une reconnaissance qui n’a pas de prix à mes yeux et aux yeux de mes enfants. Lorsque j’ai conceptualisé une structure sportive de proximité destinée aux jeunes des quartiers de Salé, accessibles aux classes sociales dans le besoin, j’ai sollicité le soutien du souverain par courrier, ayant connaissance de son intérêt pour le développement de la pratique sportive, au plus près de la jeunesse marocaine. Je ressens une immense gratitude d’autant que son soutien m’a conforté dans mon désir de participer, modestement, à l’encadrement de la jeunesse à travers ce sport noble qu’est le Judo. Il n’est ni dans mes principes, ni dans mon éducation de me prévaloir d’une quelconque proximité. D’ailleurs, cette proximité, SM le Roi l’entretient avec chacun d’entre nous, chaque marocain. Alors, voyez-vous, je ne vois pas comment Zakaria Moumni a pu penser une seule seconde que j’aurais pu lui être utile, en tout cas dans ce sens.
Dans une vidéo rendue publique récemment, on voit Zakaria Moumni exiger 5 millions d’euros pour acheter un club de sport à Paris. Quel a été votre ressenti en voyant ces images qui sont bien éloignées des accusations d’atteintes aux droits de l’Homme dont il disait avoir été victime ?
En regardant la vidéo où apparaissent Zakaria Moumni et son ex-épouse en train de négocier, j’ai sincèrement éprouvé un sentiment intense de dégoût en voyant la manière déshonorante avec laquelle ils tentaient d’extorquer de l’argent à l’Etat marocain. Ces images constituent des preuves irréfutables de leur chantage et aujourd’hui l’opinion publique marocaine, qui est loin d’être crédule, a très bien compris les actuelles fuites en avant de Zakaria Moumni qui tente de justifier l’inexcusable d’une manière qui ne peut inspirer que le mépris. Il pense salir le Maroc mais en réalité, il ne fait que s’enfoncer chaque jour un peu plus.
De ce point de vue, je suis franchement satisfait, car cette vidéo illustre clairement les véritables intentions de Zakaria Moumni qui n’a toujours voulu qu’une seule chose, et vous m’excuserez le terme : soutirer le maximum de pognon du Maroc !
Moumni, qui enregistrait ses interlocuteurs et rendait publics les extraits qu’il pensait être à son avantage, a été pris à son propre piège : « tel est pris qui croyait prendre ».
Zakaria Moumni vous a fait une proposition qui vous a scandalisé à l’époque et vous a poussé à prendre vos distances. Pouvez-vous nous la raconter ?
J’ai été sidéré par son côté vénal et rapace, surtout lorsque j’ai découvert par voie de presse, qu’il avait bénéficié en 2006 de deux agréments de transports au Maroc, sachant que d’autres sportifs méritants et authentiques n’en ont jamais eu.
Ce qui m’a vraiment écœuré lorsque je l’avais rencontré à Paris dans un restaurant sur les Champs Élysées, c’est le toupet et l’aplomb avec lesquels il s’est permis de me proposer de me verser 20% sur le premier million d’euros qu’il voulait demander au Roi si j’acceptais de l’aider à obtenir cette somme.
C’est à ce moment-là que j’ai compris que cette personne n’avait aucune morale ni principes. C’est tout simplement un escroc dont le seul intérêt a toujours été l’argent.
Quel est votre sentiment aujourd’hui face à Zakaria Moumni qui continue de répandre, via les réseaux sociaux, ses calomnies et ses affabulations ?
La bonne nouvelle, c’est que plus personne ne croit en ce qu’il dit depuis un moment déjà mais il y a eu des personnes qui avaient intérêt à l’instrumentaliser pour tenter de porter atteinte à la crédibilité du Maroc. Après la diffusion de cette vidéo, je pense qu’ils vont se faire tout petits et chercher à se faire oublier.
En même temps, je suis profondément déçu et amer. Cette histoire, qui avait débuté par un « appel à l’aide » de l’ex-épouse de Moumni, n’était en réalité qu’une sordide affaire de chantage et d’escroquerie. Une fois son arnaque éventée et n’ayant pas obtenu l’argent qu’il exigeait, on l’a vu courir les plateaux de télé pour s’attaquer sans aucun scrupule aux institutions de son pays, déposé des plaintes judiciaires contre de hauts responsables marocains, portant atteinte à leur honneur et leur dignité. C’est cela, sincèrement, que je regrette le plus. Parce que pour moi, rien n’est plus importante que de préserver l’image du Maroc qui jouit d’une renommée exceptionnelle, malgré les coups de griffe qu’on lui fait subir et malgré les difficultés. Pour conclure, je dirais que Zakaria Moumni n’est pas important et il retombera dans l’anonymat aussi rapidement que sa supercherie. Ce que l’on doit considérer par contre, c’est l’instrumentalisation de son affaire. A qui a-t-elle profité et dans quel objectif ?
Les marocains veulent une réponse à cette question car c’est la seule qui compte aujourd’hui.