Au contraire du ciel, obstinément chargé, les lourds nuages pesant sur le Tour au départ de Vendée se sont dissipés au fil des jours. A l’arrivée sur les Champs-Elysées, où le Britannique Mark Cavendish s’est imposé pour la cinquième fois en ce mois de juillet, l’ambiance a changé au vu d’une course emballante, qui est apparue en rupture avec les années de plomb de l’ère Armstrong et des scandales de dopage qui ont suivi.
Heureuse parenthèse, due au filet tenu serré par les autorités antidopage et les forces publiques, ou vraie révolution ? L’avenir le dira mais le cyclisme a retrouvé, treize ans après le cataclysme de l’affaire Festina, une fraîcheur bienvenue saluée par les équipes françaises si longtemps laminées durant la course.
Voeckler, maillot jaune pendant dix jours, a terminé au pied du podium. Aurait-il pu gagner sans sa débauche d’énergie consentie sur le Galibier à deux jours de l’arrivée derrière le Luxembourgeois Andy Schleck et l’Espagnol Alberto Contador ? La marche était très haute évidemment, trop haute peut-être. Même si, avec un peu plus de recul, le champion français a admis avoir commis une erreur payée au prix fort dans la montée de l’Alpe d’Huez, vendredi, à deux jours de l’arrivée.
C’est aussi en prenant des risques, en courant à l’avant, comme il aime à le faire, pour provoquer des échappées, que Voeckler a pu endosser le maillot jaune au terme de la 9e étape à Saint-Flour et illuminer le Tour dix journées durant. Tant dans la traversée des Pyrénées, soldée par un quasi match nul entre les favoris, que dans l’apothéose des Alpes, mise à profit par Andy Schleck pour ressusciter le mythe des grandes échappées solitaires et gagner jeudi dernier l’étape la plus haute de l’histoire, au sommet du Galibier (2645 m).
Ce jour-là, Evans sut assumer ses ambitions. Par le bras de fer engagé à distance avec Andy Schleck dans les 11 derniers kilomètres, il mérita son maillot jaune dans une épreuve qui s’était si longtemps refusée à lui. Jusqu’à devenir le vainqueur le plus âgé de l’après-guerre, à plus de 34 ans. Un clin d’oeil amusant si l’on regarde le renouvellement opéré par rapport à l’année passée.
Des dix premiers du Tour 2010, trois coureurs seulement figurent dans la même tranche du classement. Contador a reculé (de la 1re à la 5e place), son compatriote Samuel Sanchez aussi (de la 4e à la 6e place). Seul, Andy Schleck reste au même niveau. Désespérément deuxième, pour la troisième fois en trois ans. Avec un retard qui a grandi, passant de 39 secondes (sur Contador en 2010) à 1 min 34 sec sur le vainqueur final.
Qu’est-il arrivé à Contador ?
Pour la première fois depuis 2007, l’Espagnol a connu la défaite dans un grand tour. Au bout d’un parcours agité qui avait commencé de la pire façon, par des sifflets avant le départ de la course et un retard au classement dès la première étape.
La suite s’est avérée aussi chaotique. Plusieurs chutes, un genou douloureux, un entourage de niveau moyen pour un coureur qui est considéré comme le numéro un de son époque… Les handicaps se sont accumulés pour Contador dont les sursauts d’orgueil (Gap, Pinerolo, Alpe d’Huez) ont scandé les derniers jours du Tour.
"Personne ne sait ce que j’ai vécu dans ce Tour et durant toute l’année, a avoué l’Espagnol. Je n’ai pas réussi à monter sur le podium mais de toute façon j’étais venu pour gagner".
Ce grimpeur d’élite, attaquant-né, a estimé avoir payé les fatigues du Giro, du parcours sans faiblesse accompli au mois de mai. Jamais, le Contador de juillet ne s’est montré aussi tranchant que sur les routes italiennes. Faut-il en conclure que le défi du doublé Giro-Tour, sommet du cyclisme, est devenu quasi-impossible à relever ?
Au-delà de sa cinquième place au classement final, le triple vainqueur de l’épreuve (2007, 2009 et, sous réserve de la décision à venir du Tribunal arbitral du sport, 2010) a pesé évidemment sur le Tour. Par sa seule présence, il a fixé ses adversaires, notamment les frères Schleck qui ont bâti leur course pour l’essentiel par rapport à lui. Evans, toujours bien placé au classement, en a aussi bénéficié.