"C’était incroyable", s’est remémoré mercredi auprès de l’AFP Stefan Litt, archiviste en charge des collections allemandes à la Bibliothèque nationale.
Cette découverte a eu lieu il y a quelques mois, et mise en avant par l’archiviste à la veille de la journée de commémoration de la Shoah en mémoire des six millions de victimes juives du nazisme durant la Seconde Guerre mondiale.
Jeudi, la vie s’est figée dans le pays pendant deux minutes à 10H00 (07H00 GMT) au son des sirènes, pour marquer cette journée de commémoration. A l’extérieur des commerces et des bureaux, les Israéliens se sont recueillis, baissant souvent la tête.
Venu en 1933 avec son ami juif allemand Kurt Tuchler, le nazi Von Mildenstein visite la Palestine mandataire pour résoudre ce qu’il considère comme le "problème juif" en Allemagne: il envisage alors d’envoyer les Juifs allemands en Terre sainte.
Il partage ainsi, pour des intérêts radicalement différents, les thèses du sionisme, mouvement né au XIXe siècle, qui vise au rassemblement des Juifs en Palestine et aboutira à la création de l’Etat d’Israël en 1948.
La visite de ce dignitaire nazi était déjà bien documentée, notamment dans le documentaire "The Flat" sorti en 2011, mais sa signature dans un livre d’or, attestant de sa participation à un salon privé sur la culture juive, n’avait pas encore été découverte.
L’hôte, Moshe Yaakov Ben-Gavriel, écrivain et fervent sioniste, tenait régulièrement des salons à Jérusalem.
Dans son journal intime, il écrivit n’être "pas sûr de ce qu’il fallait penser" de la présence d’un dignitaire du parti nazi qui, dès son accession au pouvoir en 1933, a commencé à exclure les Juifs de la vie publique, raconte M. Litt.
– Remplacé par Eichmann –
Von Mildenstein "était très enthousiaste au sujet de la construction en cours sur cette terre, essayant même de prononcer quelques mots en hébreu", ajouta l’hôte dans son journal.
Pour M. Litt, la présence de Von Mildenstein à ce salon et ses relations avec son ami juif Tuchler restent une "histoire incroyable qui montre qu’en réalité, l’Histoire n’est jamais tout noir ou tout blanc".
Les nazis cherchaient alors à éloigner les Juifs notamment par l’émigration, explique Moshe Zimmerman, professeur émérite d’histoire à l’Université hébraïque de Jérusalem.
Von Mildenstein a ainsi plaidé en faveur du transfert des Juifs vers la Palestine mandataire jusqu’en 1936, date à laquelle il a été remplacé en tant que SS chargé des questions juives par Adolf Eichmann, l’un des principaux responsables de l’organisation de la "solution finale".
"L’émigration avec laquelle ils pouvaient collaborer le plus facilement était l’émigration sioniste", ajoute-t-il.
Le déclenchement de la guerre en 1939, avec l’occupation nazie des pays d’Europe orientale, change la donne.
Les nazis "ont ensuite dû trouver une +solution+ à plus grande échelle", explique M. Zimmerman.
L’extermination des Juifs mise en oeuvre par les nazis en Europe en 1939-1945 a fait six millions de morts, plus d’un tiers de la population juive de l’époque.
Après l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler en 1933, les Juifs d’Allemagne et d’Autriche sont les premiers persécutés. Puis nombre de Juifs enfermés dans des ghettos (notamment à Varsovie) sont réduits à la famine, et des exécutions massives ont lieu dans les territoires enlevés à l’Armée rouge.
A partir de 1941, débute l’application de la "solution finale à la question juive": l’extermination des Juifs dans les camps de concentration, avec les chambres à gaz.