HRW dénonce le recours de l’Algérie à des « stratagèmes bureaucratiques » pour entraver le travail des associations
Pour Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de HRW, "l’Algérie a besoin d’un débat public animé et vigoureux avant l’élection présidentielle du 17 avril", estimant que le gouvernement a encore "beaucoup à faire pour créer un environnement propice à des élections crédibles, mais une étape importante serait de permettre aux Algériens de former des associations, de se réunir et d’organiser des événements sans entrave".
Or, selon l’ONG des droits de l’Homme, "les autorités en Algérie utilisent la loi restrictive de 2012 sur les associations pour étouffer la liberté d’association, et elles vont même au-delà de ses dispositions".
"Les autorités ont arbitrairement rejeté ou refusé de traiter les demandes d’agrément des organisations, mettant à la fois les nouvelles organisations et les organisations indépendantes établies de longue date dans un vide juridique et limitant leur capacité à recevoir des fonds étrangers ou à tenir des réunions publiques", critique HRW.
Les associations, qui "tentent de s’inscrire se perdent dans un labyrinthe bureaucratique, incapables de déposer leurs demandes et parfois sont obligées de travailler en marge de la loi", fait observer Human Rights Watch après avoir étudié la loi n 12-06 relative aux associations et interrogé plus de 20 militants d’organisations non gouvernementales.
Le 15 avril 2011, rappelle HRW, après que des manifestations populaires aient éclaté en Egypte et en Tunisie et ébranlé le pouvoir de Mouammar al-Khadafi en Libye, le président algérien Abdelaziz Bouteflika "avait promis une série de réformes politiques et législatives", faisant observer que la "nouvelle loi sur les associations, promulguée en janvier 2012, s’est avérée être plus restrictive à plusieurs égards que la loi qu’elle a remplacée".
En effet, précise l’ONG US, la loi n 12-06 exige des associations qu’elles obtiennent un récépissé d’enregistrement auprès des autorités avant de pouvoir fonctionner légalement. Les autorités peuvent refuser d’inscrire une association si elles décident que le contenu et les objectifs des activités d’une organisation sont contraires aux constantes et aux valeurs nationales ainsi qu’à l’ordre public, aux bonnes mœurs et aux dispositions des lois et règlements en vigueur en Algérie.
Ces "critères vagues donnent aux autorités une large marge de manœuvre pour bloquer la légalisation d’une organisation", constate HRW, rappelant qu’en vertu de la loi précédente, l’administration devait avoir recours à un tribunal administratif pour refuser la constitution d’une association.
"Maintenant, elle peut le faire elle-même, et c’est à l’association concernée de faire appel de la décision de rejet devant le tribunal administratif", ajoute-t-on.
Dans la pratique, estime-t-on auprès de l’Organisation des Droits de l’Homme, "les autorités ont désobéi à l’exigence contenue dans la loi de délivrer un récépissé de dépôt lorsque les fondateurs d’une association soumettent leurs documents d’inscription", précisant que si des associations "poursuivant des objectifs susceptibles de déplaire aux autorités, tels que les organisations indépendantes de défense de droits humains ou de lutte contre la corruption, signalent que les autorités n’ont pas délivré le récépissé provisoire, les privant de la preuve de la date à laquelle elles se sont conformées aux exigences d’inscription".
Certaines associations dans cette situation continuent de fonctionner, mais en marge de la loi, incapables d’ouvrir un compte bancaire ou de louer un bureau en leur nom propre, ni de louer une salle pour une réunion publique. En outre, les membres d’une association qui est "non accréditée, suspendue ou dissoute" risquent des peines de prison allant jusqu’à six mois s’ils mènent des activités en son nom.
"Les autorités algériennes ont tendance à ne pas réprimer de manière trop flagrante les associations indépendantes qui les dérangent", a observé Eric Goldstein. "Elles préfèrent les affaiblir et les marginaliser en les expédiant vers un purgatoire juridique", a-t-il relevé, citant le cas de nombreuses associations inscrites en vertu de l’ancienne loi et obligées de déposer une nouvelle demande sous peine d’être dissoutes automatiquement.
"Tant la loi sur les associations elle-même que la façon dont les autorités l’appliquent enfreignent de manière flagrante les obligations internationales de l’Algérie de garantir la liberté d’association", a conclu Eric Goldstein.