Cette décision fait suite "à l’arraisonnement, le 31 octobre 2010 à Lagos d’un navire en provenance de la République Islamique d’Iran et à destination de la Gambie, transportant une cargaison de treize conteneurs remplis d’armes de diverses catégories, y compris des munitions pour armes lourdes", a ajouté le ministère dans un communiqué.
Le Nigeria avait annoncé la saisie d’une cargaison d’armes dans le port de Lagos (Nigéria), composée de lance-roquettes, des grenades, et des obus de mortier, dans treize containers censés contenir du matériel de construction, provenant du port iranien de Bandar Abbas (sud). Le Nigéria a signalé cette saisie au Conseil de sécurité, pouvant constituer une violation des sanctions imposées à l’Iran en raison de la poursuite de son programme nucléaire.
Le ministre iranien des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki a tenté de justifier que la cargaison appartenait à une "société privée" et devait transiter par le Nigéria vers "un pays de l’Afrique occidentale", sans mentionner le nom du pays. Mais selon le transporteur maritime français CMA-CGM, les conteneurs ont été embarqués au port iranien de Bandar-Abbas par un homme d’affaires iranien, et étaient destinés à la Gambie.
Suivant attentivement cette affaire, le Sénégal avait exprimé, le 13 novembre dernier, ses "graves préoccupations en raison de la menace qu’une telle opération fait peser sur la paix et la sécurité de la sous région". Dakar craint que ces armes soient destinées au Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), une rébellion qui lutte pour l’indépendance de cette région méridionale du Sénégal.
L’ex- chef de la diplomatie iranienne Manouchehr Mottaki, qui a appris son limogeage lundi au Sénégal où il était en voyage officiel, a tenté d’apaiser la colère des autorités sénégalaises, mais les explications fournies sur cette affaire par la partie iranienne "ne sont pas satisfaisantes", selon le communiqué du ministère sénégalais des Affaires étrangères. En plus de la brouille avec le Sénégal, cette affaire de saisie d’armes a déjà coûté à l’Iran la rupture des relations diplomatiques avec la Gambie, destination finale supposée des armes et pays enclavé au Sénégal. En effet, après avoir été citée dans cette affaire, la Gambie, qui entretenait d’ailleurs de bonnes relations avec l’Iran, a annoncé la rupture de toutes ses relations avec Téhéran et ordonné aux représentants iraniens de quitter le pays sous 48 heures. Le ministère gambien des Affaires étrangères avait également signalé que "tous les projets et programmes existant en coopération avec le gouvernement de la République islamique d’Iran ont été annulés".
Entre le Sénégal et l’Iran, les relations politiques n’ont jamais été aussi au beau fixe avec plusieurs séjours à Dakar du président iranien et des voyages fréquents à Téhéran de son homologue Abdoulaye Wade, qui défendait publiquement les relations avec l’Iran en dépit des critiques des Etats-Unis, et qui a tenté de jouer un rôle de médiateur dans le dossier nucléaire. Sur le plan économique, le constructeur iranien Iran Khodro avait inauguré en 2007 au Sénégal une usine d’assemblage de sa voiture Samand, et l’Iran avait accordé des centaines de millions de dollars comme lignes de crédit aux entreprises sénégalaises.
L’affaire de la saisie d’armes risque de connaître d’autres rebondissements après l’inculpation par la justice nigériane d’un Iranien pour trafic illégal d’armes et de munitions. L’Iranien Azim Aghajani a été identifié par le tribunal comme étant un homme d’affaires et un membre des Gardiens de la révolution, et il a été accusé d’avoir tenté d’importer des armes illégales au Nigéria, avec l’intention de les réacheminer vers la Gambie.
Accusant l’Iran d’avoir trempé dans plusieurs cargaisons d’armes saisies ces derniers mois à travers le monde, les pays occidentaux du Conseil de sécurité se sont déclarés préoccupés par les méthodes "de plus en plus complexes" utilisées par Téhéran pour se livrer à la contrebande d’armes à l’étranger, violant ainsi les résolutions de l’ONU. La Grande Bretagne a en effet demandé au Conseil d’envisager de renforcer les sanctions alors que l’ambassadeur américain à l’ONU Susan Rice a réclamé une enquête plus approfondie sur le trafic d’armes prêté à l’Iran pour "mieux comprendre et à stopper la contrebande d’armes".