La crise grecque contamine la zone Euro
Comme nous l’indiquions dans nos Notes économiques hebdomadaires (cf Notes du 27 et du 16 avril), les atermoiements de l’Union Européenne Monétaire (UEM) et les imprécisions du plan d’assistance financière à la Grèce ont incité l’agence de notation Standard & Poor’s à réviser drastiquement à la baisse – de trois crans, de BBB+ à BB+, assortie d’une perspective négative – la note souveraine de la Grèce, qui bascule ainsi dans la catégorie « junk bonds » (obligations à haut risque ou obligations « pourries » dans le jargon financier).
LA CRISE GRECQUE DEGENERE
La Bourse d’Athènes subissait le contrecoup de la crise de ses finances publiques, l’indice Athex plongeant de 6,0% hier en clôture. Les investisseurs paniquent en effet devant une accumulation de mauvaises nouvelles : les plans d’aide financière annoncés par l’Union économique et monétaire (UEM) et le FMI tardent à venir. Les craintes que la Grèce ne fasse défaut sur sa dette faute de recevoir cette aide financière à temps s’exacerbent. D’autant que le plan d’aide européen reste suspendu aux exigences allemandes.
De plus, le gouverneur de la Banque de Grèce vient d’annoncer que le déficit du Produit Intérieur Brut pour 2010 pourrait être supérieur à 2,0% ! Et, nolens volens, M. Georges Papaconstantinou, ministre grec des Finances, déclare que son pays est « incapable de faire appel au marché pour refinancer sa dette dans le contexte actuel ». Il est vrai que les taux grecs à 10 ans ont dépassés les 9,6% hier. Or, la Grèce doit impérativement mobiliser 9 milliards de US$ avant le 19 mai pour honorer une échéance obligataire importante. L’aide financière de l’Eurogroupe est nécessaire mais reste toujours sujette à caution, car plusieurs Etats de la zone euro, Allemagne en tête, émettent aussi de sérieux doutes sur la capacité d’Athènes à mettre en œuvre les réformes adéquates pour restaurer l’équilibre de ses finances publiques.
LA CRAINTE D’UN EFFET DOMINO
C’est maintenant le Portugal qui est clairement dans la ligne de mire des investisseurs, avec un déficit budgétaire de 8,3% du PIB en 2009 et une dette publique de 76,6% du PIB et de 85,4% pour 2010 estimé ! Ce qui motive sans doute la décision de l’agence de notation Standard & Poor’s d’abaisser la note souveraine de ce pays, le communiqué mentionnant « des risques budgétaires accrus » auxquels sont confrontés les autorités portugaises. La perspective de cette note reste négative, ce qui signifie qu’elle pourrait être à nouveau abaissée, à l’image de celle de la Grèce.
Le regard suspicieux des investisseurs se tourne désormais vers l’Espagne et l’Italie, nouveaux maillons faibles de la zone euro. Les finances publiques espagnoles se sont effet fortement dégradées sous l’impact de la crise financière, le déficit budgétaire se gonflant de 2,23% du PIB à 11,4% en 2009, alors que la dette publique grimpait de 36,2% du PIB à 55,2% en 2009. Le déficit budgétaire italien reste relativement « raisonnable » comparé aux autres états de la zone euro, ressortant à 5,3% du PIB contre 2,7% en 2008. Mais la dette publique italienne s’établit à 115,8% en 2009 et à 116,9% en 2010, selon l’estimation du gouvernement italien.
L’EURO ATTAQUE
Les cambistes n’ont pas prisé la dégradation des notes souveraines de la Grèce et du Portugal et ont massivement vendu la devise européenne, qui est tombé à son plus bas niveau annuel contre le dollar américain hier, affichant en séance une parité de 1,3184 US$ pour 1 €.
LES INSTANCES POLITIQUES EN EUROPE EN RETRAIT
M. Herman Van Rompuy, président de l’Union européenne a annoncé aujourd’hui qu’il allait convoquer un sommet des chefs d’Etats et de gouvernements de l’Eurogroupe « autour du 10 mai », pour discuter de la crise de la zone euro et des cas de la Grèce et du Portugal. Rappelons qu’en Allemagne, la Chancelière Angela Merkel va être confrontée le 9 mai à des élections régionales délicates en Rhénanie du Nord-Wesphalie, alors que la majorité de l’opinion politique est hostile à une aide financière à la Grèce. En France, les politiques sont inaudibles sur la question et semblent plus préoccupés par le niqab et la polygamie que par la crise monétaire.
Didier Lacaze, analyste financier SFAF