L’islam zapping des born-again Muslims
Les étudiants musulmans ont développé des modalités individuelles de leur pratique religieuse. Pour Leyla Arslan, on a parfois une culture du zapping, libre mais très changeante.
La crise de l’autorité
Elle rappelle ainsi à quel point, malgré leurs prétentions à un vrai islam désincarné, ces jeunes restent tributaires du contexte dans lequel ils vivent. Ils sont profondément tributaires de l’individualisme moderne dans leur façon de choisir et de changer de voie. « On est dans une culture du zapping, explique Leyla Arslan, avec une primauté du droit individuel, si bien que l’on ne sait plus qui représente l’autorité religieuse. » Chacun choisira en fonction de ses propres critères ce qui peut incarner cette autorité que les parents et l’islam traditionnel ont perdu. Si l’enquête menée par Leyla Arslan casse l’idée de jeunes subissant passivement la pression de telle ou telle autorité religieuse ou parentale, cette liberté ne rassure pas pour autant les pouvoirs publics, soutient-elle, dans la mesure où cette absence de figures d’autorité rend bien plus difficile le travail de contrôle. D’ailleurs, les jeunes eux-mêmes refusent ce contrôle : « ils refusent, tous, de s’identifier collectivement et politiquement comme musulmans, l’attitude commune est : moi je vais être le seul maître de mon identité. Ce n’est pas l’Etat qui va me mettre dans une case musulman. » Ils veulent ainsi construire eux-mêmes la relation à leurs origines et refusent que la puissance publique les identifie comme tel.
Encadré :
Les études n’incluent pas assez souvent les franco-turcs
Le débat controversé sur l’islam de France, qui doit avoir lieu début avril au sein de l’UMP, ne passionnera pas beaucoup les jeunes musulmans français. Car, pour ces derniers, la religion appartient avant tout au domaine privé explique Leyla Arslan. Elle est venue présenter son livre, tiré d’une thèse qu’elle a soutenue à Science Po, le jeudi 3 mars dans les locaux de l’association Plateforme à Paris. Regrettant que dans la littérature scientifique « on ne parle généralement que de la communauté maghrébine et principalement algérienne », elle choisit cette fois-ci d’interroger également des personnes d’origines turque et noire africaine. C’est à la suite des émeutes de 2005, en voyant le traitement médiatique des jeunes de banlieues, que Leyla Arslan a choisi le sujet de sa thèse.Une étude qu’elle a finalement recentré sur la catégorie des étudiants.