Assassinat du président rwandais Habyarimana : les tirs venaient d’un camp loyaliste
Les tirs de missiles qui ont abattu en avril 1994 l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana proviendraient selon toute vraisemblance du camp loyaliste et non de celui de la rébellion tutsie, selon les conclusions des expertises transmises mardi aux parties civiles et mis en examen.
Ce rapport, selon Me Bernard Maingain, avocat belge des sept accusés, "met une terme à plus de 16 ans de manipulation et de mensonges dans ce dossier". "On a cherché à déstabiliser la direction d’un pays", a-t-il lancé.
Depuis l’attentat, le front patriotique rwandais (FPR), dont est issu l’actuel président Paul Kagame, assure les extrémistes voulaient se débarrasser de Juvénal Habyarimana, lui-même hutu, jugé trop faible face à la rébellion tutsie.
La thèse d’un assassinat par les extrémistes du propre camp de M. Habyarimana est tempérée par les avocats des officiels rwandais morts dans cet attentat. "Ce que dit l’expertise, en l’état, c’est que les tirs ne peuvent provenir du camp de Masaka (NDLR: rébellion tutsie). Ca ne désigne pas pour autant le camp d’en face", a déclaré Me Jean-Yves Dupeux, avocats de deux enfants du président Habyarimana.
Les missiles tirés, de fabrication soviétique, "nécessitaient, ainsi que nous l’ont dit les experts, une formation technique très précise qui n’a jamais été assurée auprès d’aucun élément de l’armée rwandaise", a déclaré l’avocat de la veuve Habyarimana, Me Philippe Meilhac.
De sources judiciaires, on précisait que les experts avaient retenu six points de départ des missiles: deux provenant du camp rebelle, Masaka, et quatre du camp loyaliste, Kanombe, pour se fixer au final sur deux points situés près du cimetière de Kanombe.
L’un des missiles a touché le réservoir de l’avion sous l’aile gauche, un point d’impact qui privilégie un tir provenant de Kanombe. Si le missile avait touché les réacteurs, il aurait probablement été tiré de Masaka, selon les experts.
Une information judiciaire a été ouverte en 1998 pour assassinat en relation avec une entreprise terroriste à la suite de la plainte des familles françaises de l’équipage du Falcon présidentiel.
En 2006, Kigali avait rompu toutes relations avec Paris après le lancement de neuf mandats d’arrêts contre des proches du président rwandais par le juge Jean-Louis Bruguière.
Selon l’ancien magistrat antiterroriste, le FPR était à l’origine de l’attentat. D’anciens militaires de l’Armée populaire rwandaise (APR) ont désigné Paul Kagame comme le commanditaire du crime avant, pour certains, de revenir sur leurs déclarations.
L’ambassadeur du Rwanda en Belgique, Jacques Kabale, a salué devant les journalistes ces conclusions qui identifient selon lui "de manière indéniable et irrévocable que le camp militaire de Kanombe est l’endroit d’où les tirs des missiles ont été tirés".
"Les résultats présentés aujourd’hui constituent la confirmation de la position tenue de longue date par le Rwanda sur les circonstances qui entourent les événements du mois d’avril 1994, s’est félicité dans un communiqué la ministre rwandaise des Affaires étrangères et porte-parole du gouvernement Louise Mushikiwabo.
"Grâce à la vérité scientifique ainsi établie, les juges Trévidic et Poux ferment avec éclat le chapitre de ces 17 années de campagne visant à nier le génocide et à faire porter aux victimes la responsabilité de leur sort", a-t-elle ajouté.
Parmi les personnes mises en examen par le juge d’instruction figurent plusieurs généraux et haut gradés de l’armée rwandaise, dont James Kabarebe, Charles Kayonga ou Jackson Nkurunziza, a-t-on précisé de mêmes sources.
En septembre 2010, les juges d’instruction Marc Trévidic et Nathalie Poux, qui ont succédé au juge Bruguière, se sont rendus au Rwanda. Des experts les accompagnaient dans ce premier déplacement d’enquêteurs dans le cadre de ces investigations afin de tenter de déterminer le lieu d’où aurait été tiré le missile qui a abattu l’avion présidentiel.
Le 6 avril 1994, l’appareil ramenant à Kigali le président Habyarimana et son homologue burundais, Cyprien Ntaryamira, était abattu par un missile. Onze personnes trouvaient la mort. Cet attentat est considéré comme l’élément déclencheur du génocide qui a fait, selon l’ONU, quelque 800.000 morts en trois mois, avant la prise du pouvoir par le Front patriotique rwandais (FPR) dirigé par Paul Kagame. La plupart des victimes étaient des Tutsis et des Hutus modérés.