Cette mesure a été instituée pour la première fois au Maroc par la loi de finances n° 43.10 pour l’année budgétaire 2011. Elle a été réintroduite également par les lois de finances n° 115.12 et 100.14 pour les années budgétaires 2013 et 2015 jusqu’au 31 décembre 2016.
Dans une interview à la MAP, Issam El Maguiri, expert-comptable Docteur en sciences de gestion, apporte un éclairage sur cet amendement introduit par la commission des finances, de la planification et du développement économique à la Chambre des Conseillers, et accepté par le gouvernement, rappelant que l’article 6 de la loi de finances n° 70-19, pour l’année budgétaire 2020, a réintroduit ces mesures au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre de l’année 2020.
1- En quoi consiste cet amendement ? Dans quelle mesure la prolongation de la durée d’application de cette amnistie fiscale bénéficiera au contribuable ?
Il s’agit d’une mesure incitative en faveur des contribuables opérant dans l’informel leur permettant d’intégrer l’économie structurée. Par conséquent, les contribuables exerçant une activité soumise à l’IR professionnel et qui s’identifient pour la 1ère fois auprès de la DGI, en s’inscrivant au rôle de la taxe professionnelle à partir du 1er janvier 2020, ne sont imposables que sur la base des revenus acquis et des opérations réalisées à partir de la date de leur identification.
Cette disposition est applicable aux contribuables susvisés, quel que soit le régime de détermination de leurs revenus professionnels (régime du résultat net réel « RNR », régime du résultat net simplifié « RNS », régime du forfait).
Les stocks en possession des contribuables dont les revenus professionnels sont déterminés selon le régime du RNR ou sur option selon le RNS, à la date de leur identification, sont évalués, de manière à dégager, lors de leur cession ou retrait, des marges brutes supérieures ou égales à 20%. En cas d’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, le paiement de la TVA sera effectué sur la base de la marge brute réalisée sur la vente du stock ayant fait l’objet d’évaluation dans les conditions précitées, sans droit à déduction, jusqu’à son épuisement. Avec cette mesure, les contribuables qui opéraient dans le secteur informel commencent à déposer leurs déclarations pour les revenus acquis et les opérations réalisées à partir de la date de leur identification.
Cette mesure complète les autres mesures dérogatoires instituées par la loi de finances 2020 telle que la régularisation de la situation fiscale des contribuables au titre des revenus et profits issus des activités agricoles ou professionnelles.
A cela, s’ajoute la contribution professionnelle unique (CPU), prévue par le projet de loi de finances n° 65.20 pour l’année budgétaire 2021, pour les personnes physiques soumises à l’IR selon le régime du bénéfice forfaitaire, et la contribution complémentaire destinée à la couverture médicale des auto-entrepreneurs et des contribuables soumis à ladite contribution.
Cette contribution s’inscrit dans le cadre de lancement de la première phase de la généralisation de la couverture sociale notamment la généralisation de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO).
2- Quelles sont les personnes concernées par cette mesure dans sa nouvelle version ?
Les personnes concernées par cette mesure sont des contribuables nouvellement identifiés et qui exerçaient leur activité, passible de l’IR, dans l’informel. Ainsi, avec l’amendement introduit et adopté par la Chambre des conseillers concernant la prolongation de la durée d’application de cette mesure pour 2021, les personnes physiques exerçant des activités dans l’informel peuvent s’identifier auprès du fisc jusqu’au 31 décembre 2021, afin de bénéficier de la non-imposition des revenus et opérations réalisées avant le 1er janvier 2021.
3- Quels avantages alors pour le fisc ?
Pour l’administration fiscale, ce dispositif fait partie des mesures de déploiement de la réforme fiscale prévue au titre de la période 2020 à 2024 en réponse aux recommandations formulées à l’issue des dernières assises fiscales, tenues à Skhirate en mai 2019, dont l’objectif ultime est de lutter contre le cash et l’informel, principale problématique qui échappe aux filets du fisc.
Il s’agit, en quelque sorte, d’un facteur de basculement de l’informel au formel structuré permettant à l’administration de renforcer la coopération avec les autres acteurs publics et privés pour lutter contre l’informel et la simplification des démarches administratives et fiscales, à l’instar des bonnes pratiques mises en place à l’international. A titre d’exemple, le pays du Chili a adopté un plan anti-corruption dans les administrations publiques comme c’est le cas en Turquie.
Ces dispositifs ont pour objectif de consolider la confiance et de créer un climat propice à même de dynamiser le tissu économique en stimulant l’investissement et la consommation et baisser aussi le poids de l’informel dans l’économie. Cette mesure temporaire permet, en fin, à l’administration d’élargir l’assiette de l’impôt d’une part, et d’identifier au maximum possible les opérateurs économiques exerçant leur activité professionnelle dans l’informel, d’autre part.
La finalité recherchée derrière la régularisation de la situation fiscale des contribuables qui se déclinent pour la première fois auprès de l’administration fiscale est la lutte contre l’informel avec ses diverses formes (corruption, contrebande, phénomène du cash…).