Des lipides produits par les éponges marines et caractérisés par une fonction alcynylcarbinol ont longtemps attiré l’attention pour leurs propriétés cytotoxiques. Ces molécules naturelles ont inspiré le développement chimique d’une large famille de composés synthétiques hautement toxiques vis-à-vis de cellules tumorales. Toutefois, l’utilisation thérapeutique de ces molécules dépendait de la découverte de leur mécanisme d’action. Pour élucider ce mécanisme, les scientifiques se sont concentrés sur les dérivés synthétiques les plus actifs de cette famille, appelés dialcynylcarbinols, environ 1000 fois plus toxiques que les molécules naturelles qui les ont inspirés. Ils ont sélectionné des cellules humaines haploïdes résistantes aux effets cytotoxiques de ces molécules. Dans l’ensemble des cellules résistantes, ils ont montré que le gène HSD17B11 était inactivé par des mutations. HSD17B11 est une enzyme dont la fonction physiologique est l’inactivation par oxydation d’un stéroïde endogène.
En combinant de nombreuses approches, les scientifiques montrent que HSD17B11 oxyde les lipides étudiés en des formes réactives qui vont aussitôt se fixer sur plusieurs protéines cellulaires essentielles impliquées dans le « contrôle qualité des protéines ». Cette fixation bloque les processus associés et induit très rapidement l’accumulation de protéines incorrectes conduisant à la mort cellulaire. HSD17B11 est également nécessaire à la cytotoxicité des molécules apparentées, dont les molécules naturelles qui ont inspirés leur développement. Ces lipides sont donc des pro-drogues bioactivées par une enzyme cellulaire en des espèces réactives cytotoxiques. Pour mieux définir leur potentiel anticancéreux, le criblage d’un panel de lignées tumorales a été entrepris et a permis de montrer qu’un cancer pédiatrique rare, l’ostéosarcome, est particulièrement sensible à ces molécules alors qu’elles n’ont aucun effet sur les lignées cancéreuses dépourvues de HSD17B11.