Burkina: Compaoré mène une délicate réforme de l’armée après les mutineries

Burkina: Compaoré mène une délicate réforme de l
Le président burkinabè Blaise Compaoré a engagé une délicate réforme de son armée après les mutineries qui ont ébranlé au premier semestre son régime vieux de 24 ans, mais pour ses détracteurs il entend moins fonder une armée républicaine que préserver son "clan".

L’armée de ce pays pauvre d’Afrique de l’Ouest fait "tranquillement" sa "mue" et "la discipline revient peu à peu", assurait la semaine dernière le nouveau chef d’état-major, le général Nabéré Honoré Traoré.

Remplacements à la tête des principaux corps et de nombreuses unités, radiation et incarcération de centaines de soldats, nouvelle carte militaire: jamais la "Grande muette" n’avait connu pareil chamboulement.

Une reprise en main à la mesure des secousses que connut le pouvoir entre mars et juin: sur fond de crise sociale plus large, les mutineries, accompagnées souvent de viols et de pillages, s’étaient multipliées à travers le pays.

Ex-capitaine arrivé au pouvoir en 1987 lors d’un coup d’Etat – le sixième de l’histoire du pays – qui coûta la vie au "père de la révolution" Thomas Sankara, le président, qui s’est octroyé en pleine crise le ministère de la Défense, avait mis un coup d’arrêt au mouvement en faisant mater dans le sang une mutinerie à Bobo Dioulasso (sud-ouest).

Au total 566 militaires ont été radiés et plus de 300, gendarmes compris, incarcérés à Ouagadougou attendent un jugement qui n’est pas prévu avant mi-2012, selon la justice militaire.

Malgré la promesse d’"états généraux" de l’armée pour l’an prochain, dans les casernes la page n’est pourtant pas tournée.

"malaise général"
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Sous couvert d’anonymat, des militaires dénoncent un manque de moyens et de formation, et surtout des problèmes de gestion des effectifs (quelque 12.000 hommes) à l’origine du "malaise général qui a dégénéré en mutineries", selon l’expression d’un officier de l’état-major.

Le recrutement a été jugé défaillant ces dernières années, avec trop de nouveaux venus intégrés sur "interventions" extérieures, de l’aveu même du chef d’état-major, pointant les pratiques de favoritisme.

D’un autre côté, des jeunes diplômés s’impatientent de ne pouvoir assez vite "grimper les échelons", indique l’officier anonyme interrogé par l’AFP. Autres frustrés: ces gradés mis au placard car considérés comme insuffisamment fiables par les autorités, ajoute-t-il.

Or, le Burkina a d’autant plus besoin d’une armée performante qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) menace toute la région, déstabilisée en outre par la dissémination d’armes à la faveur du conflit libyen. A l’intérieur aussi l’incertitude règne, en raison du très controversé projet prêté au président de réviser la Constitution pour rester au pouvoir après 2015.

Pour les détracteurs du régime, une vraie "refonte de l’armée" est loin d’avoir été lancée.

Le chef de l’Etat n’a entrepris que des "réformettes", accuse Jonas Hien, activiste de la société civile et anti-Compaoré notoire. Il en veut pour preuve que la garde présidentielle, pourtant frondeuse en avril, n’a même pas été touchée par la purge des derniers mois: "un Etat dans l’Etat", tranche-t-il.

"Nous autres avons la conviction que notre armée n’est pas républicaine: son attitude montre qu’elle est au service d’un individu, d’un clan, et cela indigne les citoyens", tonne Me Halidou Ouédraogo, un défenseur des droits de l’homme.

"Le régime reste fondamentalement militaire", renchérit Luc Marius Ibriga, professeur de droit public à l’université de Ouagadougou.

"Il peut y avoir une redistribution des cartes selon les intérêts et les circonstances, dit-il, mais il ne faut pas demander au régime de se faire hara-kiri, parce qu’en balayant il peut se retrouver dans la poubelle".

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