Allemagne : le fragile gouvernement Merkel face à de périlleux scrutins

Après une succession de crises gouvernementales, la famille conservatrice d’Angela Merkel redoute désormais deux déconvenues électorales, en Bavière dimanche puis en Hesse fin octobre, de quoi fragiliser encore la coalition vacillante de la chancelière allemande.

Elle-même a rappelé ses troupes à l’ordre: "Nous sommes à quelques jours d’élections régionales très très importantes en Bavière et en Hesse, et c’est pour cela que je veux appeler tout le monde (…) à s’adresser désormais aux électeurs et à cesser les chamailleries". Car depuis les législatives de septembre 2017, la cheffe du gouvernement n’a pas eu la partie facile, confrontée aux conséquences politiques de sa décision en 2015 d’ouvrir l’Allemagne à plus d’un million de demandeurs d’asile.

Handicapée par l’essor de l’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), elle a passé six mois à former une coalition, finalement avec des sociaux-démocrates très récalcitrants. Puis l’allié conservateur bavarois (CSU) s’est rebellé. Le ministre de l’Intérieur Horst Seehofer a risqué par deux fois de faire tomber le gouvernement, en poussant des thèmes chers à l’AfD afin de regagner le terrain perdu en vue des élections bavaroises de dimanche. Selon les sondages, cette stratégie droitière n’a pas convaincu les électeurs tentés par l’extrême droite. Elle a plutôt fait fuir les plus modérés vers les Verts, qui peuvent espérer arriver en deuxième position. La CSU bavaroise est ainsi tombée à 33-35% des intentions de votes, un plus bas historique synonyme de perte de la majorité absolue. Un séisme aussi dans ce bastion conservateur, un Land parmi les plus riches d’Allemagne.

Coup de semonce

En Hesse, la CDU de Mme Merkel ne fait pas mieux dans les enquêtes d’opinion. Là encore ce sont les Verts et l’AfD qui en profitent, et Volker Bouffier, le chef du gouvernement régional et proche de la chancelière, est loin d’être assuré de pouvoir se maintenir. Si ces résultats se confirment, la constitution d’exécutifs régionaux stables s’annonce acrobatique. Et ils viendront sans doute relancer la grogne dans le camp conservateur et nourrir le débat sur la succession de la chancelière, au pouvoir depuis 2005 et dont le mandat expire en 2021. Depuis cette année, la question n’est plus taboue. Les ambitieux se font entendre, tout comme les appels à renoncer au cap centriste et à la stratégie du compromis permanent qui a fait le succès de Mme Merkel pendant plus d’une décennie. "Il ne peut plus y avoir de doute, il faut changer de méthode", estime ainsi dans l’hebdomadaire Der Spiegel l’influent député chrétien-démocrate Norbert Röttgen, évoquant "le désir de changement" parmi les siens.

Les élus CDU-CSU ont déjà tiré le premier coup de semonce en choisissant un nouveau chef de groupe parlementaire face au sortant, fidèle de Mme Merkel. La chancelière doit elle-même bientôt être confrontée à un vote des militants pour conserver la présidence de son parti. "Je pense que le prochain congrès de la CDU début décembre sera déterminant", note M. Röttgen.

Crépuscule

La situation est d’autant plus compliquée pour la chancelière qu’outre la grogne des siens, ses alliés au gouvernement du SPD sont au plus bas. Depuis le début de la législature, les sociaux-démocrates, dont la popularité ne cesse de plonger, s’interrogent sur l’opportunité de rester au pouvoir. Or les scrutins en Bavière et en Hesse s’annoncent une nouvelle fois désastreux pour le plus vieux parti d’Allemagne.

Une sortie de la coalition pour aller panser les plaies est désormais un scénario qu’envisage même Wolfgang Schäuble, président de la Chambre des députés et vétéran de la CDU. "Si le SPD n’en peut plus un jour, le monde ne va pas s’écrouler pour autant (…) Je pense que nous arriverons à avoir un exécutif stable avec un gouvernement minoritaire", a-t-il dit dans une interview au quotidien Bild.

Sociaux-démocrates et conservateurs en berne d’un côté donc, Verts et extrême droite en plein essor de l’autre. "C’est le crépuscule du pouvoir de Merkel en Allemagne et la CDU/CSU va devoir réfléchir au type d’alliance qu’elle veut pour rester au pouvoir", résume Sudha David-Wilp, politologue au German Marshall Fund.

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