Afflux de migrants: Pedro Sanchez annule un déplacement à Paris sur fond de tensions entre Rabat et Madrid
Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a décidé d’annuler mardi sa participation à Paris à un sommet sur le financement des économies africaines en raison de la crise provoquée par l’afflux de milliers de migrants à la ville occupée Sebta (Ceuta), a annoncé son gouvernement dans un communiqué.
Pedro Sanchez a assuré que l’Espagne serait « ferme pour garantir la sécurité à Ceuta » et sa venue sur place est un signe, selon lui de « la détermination avec laquelle nous agissons depuis les premiers moments de cette crise ».
Quelques 6.000 migrants sont arrivés lundi à Sebta depuis le Maroc, parmi lesquels 1.500 ont déjà été expulsés, a indiqué le gouvernement espagnol mardi.
« Nous allons rétablir l’ordre dans (la) ville et à nos frontières le plus rapidement possible », a déclaré le chef du gouvernement qui a indiqué se rendre aussi à Melilla où plus de 300 migrants ont débarqué.
Mi prioridad en este momento es devolver la normalidad a Ceuta. Sus ciudadanos y ciudadanas deben saber que cuentan con el apoyo absoluto del Gobierno de España y la máxima firmeza para velar por su seguridad y defender su integridad como parte del país ante cualquier desafío.
— Pedro Sánchez (@sanchezcastejon) May 18, 2021
La presse espagnole a attribué cet afflux de migrants à la tension que traverse la relation maroco-espagnole et la suspension par le gouvernement marocain de la coopération sécuritaire avec Madrid en raison de l’accueil en catimini du chef des milices séparatistes du Polisario, Brahim Ghali, admis dans un hôpital espagnol sous le nom d’emprunt de Mohamed Benbettouche.
Rabat avait alerté Madrid sur les répercussions qui pourraient résulter du manque d’une réponse satisfaisante et convaincante sur cet accueil du chef du Polisario, poursuivi en Espagne pour tortures, viol, enlèvements et séquestrations par plusieurs victimes et associations des droits de l’homme.
Le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, a critiqué l’attitude espagnole inamicale, notant qu’elle contredit l’esprit de partenariat et de bon voisinage. L’ambassadeur d’Espagne à Rabat a été convoqué pour l’informer de la position marocaine et lui demander les explications nécessaires sur la position de son gouvernement.
Duplicité espagnole
Dans un communiqué, le ministère marocain des Affaires étrangères a estimé que la position espagnole soulève des questions légitimes, notamment: pourquoi Ghali est-il entré en Espagne secrètement et avec un faux passeport diplomatique algérien? Pourquoi l’Espagne a décidé de ne pas en informer le Maroc? Pourquoi la justice espagnole n’a-t-elle pas répondu aux plaintes des victimes du tortionnaire Brahim Ghali ?
La réaction marocaine est intervenue après les déclarations de la ministre espagnole des Affaires étrangères Arincha Gonzalez Laya, dans lesquelles elle a estimé que les relations avec le Maroc ne seront pas affectées après que son pays ait reçu le chef du Polisario, venu se soigner du Covid.
Elle a en outre ajouté que le Maroc est « un partenaire privilégié de l’Espagne dans les domaines économique et politique, de l’immigration, des entreprises et de la lutte contre le changement climatique, et cela ne changera pas ».
Plus tard, Rabat a annoncé son rejet des justifications fournies par l’Espagne concernant l’accueil de Brahim Ghali, indiquant que la décision des autorités espagnoles de ne pas informer leur homologue marocain de l’arrivée du chef des milices du Polisario sur son territoire était contraire à l’esprit de confiance qui doit primer dans les relations entre les deux pays.
Réunion de coordination de la sécurité espagnole
Lundi 17 mai, Arancha Gonzalez Laya a déclaré, dans une interview à la radio espagnole « Cadena Ser » que les autorités marocaines lui avaient affirmé dans l’après-midi de lundi que « l’arrivée d’un grand nombre de migrants clandestins à Ceuta (Sebta) n’est pas le fruit du différend entre les deux pays en raison du transfert du chef du Front Polisario dans un l’hôpital en Espagne ».
La ministre espagnole a également souligné que cette crise doit être gérée « tranquillement » et que l’Espagne va, comme lors des précédentes occasions, protéger ses frontières et renvoyer ceux qui y pénètrent de manière irrégulière, menaçant toutefois de soulever la question au sein de l’Union européenne.
En réponse à une question si Madrid avait fourni au Maroc les explications qu’il demandait concernant l’accueil de Ghali, Laya s’est contentée de réitérer ses déclarations précédentes : « l’Espagne a fourni de nombreux détails sur cette l’affaire », négociée secrètement entre Madrid et l’Algérie, et « c’est simplement une question humanitaire ».
Une réunion de coordination de la sécurité espagnole s’est par ailleurs tenue d’urgence lundi pour faire face à la situation, et a également été suivie par le ministre d’État à la Sécurité, Raphael Perez, le directeur général de la police et le directeur général de la garde civile. Il a été convenu de renforcer la présence des membres de la garde civile dans les endroits les plus vulnérables à la circulation à Sebta.