Plus besoin de manier du ciseau avec des gants de cuir, il suffit de cliquer et de répondre en cinq minutes à une liste de questions : Les faits que vous rapportez concernent-ils un blanchiment d’argent, de la fraude fiscale, du travail au noir ? Quelle est la hauteur du préjudice subi par la collectivité ? En cas de procès, des témoins pourront-ils venir témoigner à la barre ? Pour conclure, ne pas oublier le nom de la personne concernée.
Et, surtout, pas de culpabilité : il s’agit d’un geste citoyen ! En Autriche, dénoncer les fraudeurs est une vertu. Les délateurs n’ont d’ailleurs aucune crainte : les autorités promettent de protéger leur anonymat et leur donnent de précieux conseils comme, par exemple, d’éviter de dénoncer leur boss depuis leur poste de travail. Ça laisse des traces…
Dans la plupart des cas, ceux qui s’improvisent «chasseurs de corruption» révèlent des abus commis par leur entourage proche ou au bureau : la belle-sœur honnie qui fait des ménages au black, le collègue fanfaron qui raconte imprudemment son détournement d’aide sociale, ou encore le voisin qui n’a pas déclaré la construction de sa véranda. Des règlements de comptes mesquins donc, qui font craindre aux opposants la multiplication des cas de chantage et de possibles escalades. Mais le ministère de la Justice, lui, y croit dur comme fer. Il veut pêcher plus gros que des petits poissons : grâce à ce système dissuasif, les délits d’initiés se feront plus rares et les chefs d’entreprises y réfléchiront à deux fois avant de blanchir leur argent, de peur que la vengeance d’un expert-comptable remercié ne les perde à jamais. Alors, vertueuse, la délation online ? De l’aveu même d’un haut fonctionnaire, cette boîte aux lettres électronique ressemble surtout à un gadget populiste mis en place à la veille des élections par un gouvernement un peu fébrile.