Autour d’Auschwitz, des objets témoins de l’Holocauste sortent de l’oubli
La pêche s’annonce bonne pour ces « chasseurs de trésors » très particuliers. Avec des gestes attentifs, ils fouillent une petite cabane en bois, située en bordure des fils barbelés de l’ancien camp nazi d’Auschwitz-Birkenau et en sortent, un par un, divers objets.
"Ce sont des assiettes d’un service de vaisselle provenant de la cantine des SS", dit-il sans même lire le logo terrifiant. Il avait déjà vu des dizaines de plats identiques. "La cantine des SS n’était pas loin d’ici, et derrière nous, à 200 mètres, on avait le camp de Birkenau".
Pour construire la plus grande usine de la mort d’Europe en 1940, où plus d’un million d’êtres humains, des Juifs pour la plupart, ont été exterminés, les Allemands avaient vidé Birkenau de tous ses habitants et rasé la plupart des maisons.
"Quand les habitants d’ici sont revenus après la guerre, ils n’avaient strictement plus rien et prenaient tous les objets trouvés sur le site", ajoute Dag Kopijasz.
Il y a trois ans, il a créé la Fondation lieux de mémoire auxiliaires d’Auschwitz-Birkenau (FPMP) qui a pour but de sauver ces objets de l’oubli.
"Personne ne s’y intéressait alors qu’il reste encore plein d’objets chez des particuliers dans la région. On circule dans un périmètre de 25 kilomètres. Souvent les gens ne savent pas quoi en faire", dit-il.
Ce fut le cas de Zbigniew Gierlicki, 55 ans, qui à la mort de ses parents a décidé de transmettre à la fondation la cabane historique avec tout ce qu’il y avait à l’intérieur, content qu’elle s’occupe de tout, y compris de son démontage.
"Mon grand père l’a vraisemblablement construite avec des planches d’un baraquement du camp démonté", dit-il. "Il y avait plein de choses, uniformes allemands, du savon, brancards de l’armée, mais tout ça s’est perdu".
"Mes grands-parents ont pris tout ça au camp, comme tout le monde ici. A l’époque on manquait de tout, il n’y avait pas de matériaux de construction", dit-il. "Mais jamais ma grand mère n’a utilisé ces plats. Jamais".
A l’intérieur de la cabane, le numéro de série du baraquement, C 652, apparaît sous les restes de peinture blanche. Ça a dû être un dispensaire du camp, conclut Kopijasz.
Andrzej Kacorzyk, historien et directeur adjoint du Musée d’Auschwitz-Birkenau, n’est pas étonné que l’on puisse encore trouver tant d’objets.
"Il ne faut pas oublier qu’ici même vivaient quelque 100.000 hommes, des prisonniers, des SS, il y avait donc une quantité énorme de toutes sortes de biens matériels qui refont encore surface", dit-il. La préservation du site et de ses objets a commencé deux ans après la guerre quand le musée a été créé.
A l’extérieur de son périmètre, toute personne a le droit d’en chercher.
Une fois vidée, la cabane sera démontée, planche par planche, et transportée dans un entrepôt. La fondation a déjà démonté seize baraquements, dont celui de Monowitz décrit par Primo Levi.
Bien qu’avec peu de moyens, la fondation a déjà aménagé trois salles d’exposition. On y trouve par exemple un rouleau en béton avec lequel les prisonniers aménageaient des routes et qui vient d’être récupéré dans un club de football où il servait à aplatir la pelouse. Et des objets minuscules comme une figurine en porcelaine de Mickey Mouse, ayant appartenu à un enfant exterminé, ou encore un minuscule sabot sculpté dans un bout de bois.
"Il a été trouvé entre les briques à l’endroit où dormaient les prisonnières de la compagnie disciplinaire. On ne sait pas qui l’a fait et à qui il a été offert", dit Dag Kopijasz. "On ne le saura probablement jamais".
Source AFP