Mohamed Métalsi, portrait d’un homme épris de culture

Urbaniste, docteur en esthétique et sciences des arts, historien de l’art, spécialiste des villes du monde arabe et des jardins arabo-islamiques, écrivain et ancien directeur des actions culturelles à l’Institut du Monde Arabe (IMA), Mohamed Métalsi incarne une figure emblématique de la culture marocaine et arabe en France et en Europe. Ex-doyen de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales à l’Université Euro-Méditerranéenne de Fès, il joue, depuis 1985, un rôle essentiel dans la promotion du dialogue interculturel.

Décoré par le Roi Mohammed VI au grade exceptionnel du Wissam de Mérite national et officier de l’Ordre des Arts et des Lettres en France, il a largement contribué au rayonnement des cultures arabes et marocaines. Il est également l’un des concepteurs du projet de la Fondation culturelle du Maroc à Paris, encore en attente d’inauguration.

Tanger : la matrice de son inspiration

C’est de Tanger que parti l’enfant du pays un jour, sans jamais la cité du détroit ne le quitta. Sa passion pour les arts et la culture marocaine ne l’éloignera non plus du pays.

La ville veilla sur sa vie, ses voyages, ses études, ses écrits, ses rencontres, ses engagements culturels, ses passions pour l’architecture et l’histoire. La cité blanche, au croisement des eaux de l’Océan et de la méditerranée, carrefour des voyageurs et des conquérants, ville à la fois de repli et d’ouverture le marqua à jamais.

Né à Tanger le 14 juin 1954, Mohamed Métalsi Habri grandit dans cette ville cosmopolite. Issu d’une famille amazikhe originaire d’Ajdir, Tétouan, Al-Hoceima et Tanger, il hérite de la spiritualité soufie transmise par ses ancêtres de la zaouïa Habriya Kadiriya située non loin de la ville de Saadia.

Orphelin de père à l’âge de six ans, il est élevé par sa mère, qui veille avec dévouement à l’éducation de ses trois enfants. Son père, hispanisant et ayant vécu longtemps à Cordoue, ancien résistant contre l’occupation franco-espagnole, laisse une empreinte durable dans son imaginaire. « Je me souviens de lui en homme moderne, toujours habillé en costume et tarbouche turc. Il est mort jeune, mais il m’avait transmis des bases solides avant même mon entrée à l’école publique en 1960 », raconte-t-il.

Scolarisé dès l’âge de trois ans dans une école coranique « Msid ». Métalsi se souvient : « Les enfants apprenaient des sourates du coran sur des planches. C’était le début de son instruction, très traditionnelle : « J’ai fréquenté l’école coranique par intermittence jusqu’à l’âge de dix ans. Mon père était un lettré. Il m’a appris à écrire, à calculer, bien avant que j’intègre en 1960 l’école publique. Une école bilingue arabe et français, où j’ai intégré le CE1 directement vu mon niveau très bon en écriture et calcul ».

De son enfance, Mohamed Métalsi se rappelle : « J’étais un bon élève, toujours parmi les premiers de la classe, gentil, pas du tout bagarreur. Passionné par l’histoire, la géographie, je fréquentais régulièrement les librairies et les bibliothèques de Tanger ».

Son école primaire s’appelait les docks. Elle fait encore partie du patrimoine de la ville aujourd’hui : « elle était face à la mer, parfois nos récréations se déroulaient à la plage. Mes instituteurs français et marocains étaient bien habillés et très organisés. Les murs de la classe étaient illustrés. Il y avait des cartes, des images sur les murs de notre classe »

Un parcours académique remarquable

Le voisinage de la famille est cosmopolite. Il grandit avec des enfants marocains, espagnols et français dans la ville, fréquentant la même école et plus tard le célèbre collège Ibn Battouta. Son enfance tangéroise, marquée par le cosmopolitisme et la diversité culturelle, nourrit sa passion pour l’histoire et la géographie. Fréquentant assidûment les bibliothèques et librairies locales, il forge très tôt un appétit insatiable pour la connaissance.

Après des études secondaires à Tanger et Casablanca, il obtient un baccalauréat en arts plastiques avant de bénéficier d’une bourse pour poursuivre ses études à Paris. Il commence à l’Institut d’Urbanisme de Paris 8, où il obtient un DEA, puis soutient un doctorat en esthétique à la Sorbonne. « J’ai eu la chance d’assister pendant des années aux cours des grands professeurs, produits de la France du XXe siècle tels que Pierre Bourdieu, Claude Lévi-Strauss, Georges Duby, Jacques Berque, Roland Barthes, etc., au Collège de France », souligne-t-il.

L’âme culturelle de l’Institut du Monde Arabe

Dès son entrée à l’IMA en 1984, Mohamed Métalsi dynamise l’institution. En 1989, il lance les « Jeudis de l’IMA », un espace d’échange intellectuel où se croisent romanciers, philosophes et artistes des mondes arabe et occidental. Avec sa collaboration, l’IMA propose au public européen une programmation éclectique de concerts, de spectacles de théâtre et de danse, organise des expositions comme Peinture contemporaine au Maroc (1988) ou Croisement de signes (1989), et produit des catalogues de référence tels que Art contemporain arabe (1987).

En 1996, il est nommé directeur des actions culturelles de l’IMA. D’emblée, il restructure les départements culturels, notamment le Centre des langues et des civilisations, et les actions éducatives, ceux consacrés au cinéma, aux activités musicales et au spectacle vivant. Sous sa direction, l’IMA crée des initiatives innovantes telles que les Musicales de l’IMA, qui accueillent des artistes du monde arabo-musulman, et une collection de CD, diffusée par Harmonia Mundi, qui valorise les musiques traditionnelles et contemporaines du monde arabe.

Ses contributions dépassent largement les murs de l’IMA : il agit en tant qu’expert pour l’UNESCO et dirige le Forum du Festival des Musiques Sacrées de Fès, renforçant ainsi les liens entre patrimoine culturel et dialogue spirituel.

Un lien indéfectible avec Tanger

Malgré ses engagements internationaux, Tanger reste son port d’attache. De Paul Bowles à Mohamed Choukri, les figures légendaires de la ville continuent d’inspirer cet intellectuel cosmopolite, pour qui Tanger demeure un symbole intemporel de croisements et de rêves. Il a participé au lancement du concours du design du port Tanger Med.

 

Publications :

Tanger restera assez présente dans ses recherches et écrits. Dans les années 2000, sa signature est dans plusieurs publications : « Tanger, cité de rêve -Paris-Méditerranée, 2002 », « Tanger, éd. Imprimerie nationale /éd. Malika, 2007 », « Tanger : Métropolis » in le Goût de Tanger, Paris, Mercure de France ; 2004, « Tanger entre mythe et réalité » in Tanger, cité de rêve, Paris-Méditerranée, 2002, « Tanger : crise de la citadinité, crise de la ville » un patrimoine mondial, Actes du colloque 28-29 juin 2002, Association Al-Boughaz/Institut français de Tanger Tétouan, « La grande mosquée de la médina de Tanger : Lecture d’un espace architectural », in Tanger au miroir d’elle-même, in Revue Horizons Maghrébins, n° 31/32, Toulouse 1996.

Livres :

Mohamed Métalsi a publié plusieurs livres en France et au Maroc : Les villes impériales du Maroc (Ed Bayard) 1999 ; Fès, la ville essentielle (Ed ACR) 2003 ; Maroc, les palais et jardins royaux (Ed Malika) 2004 ; Tétouan, entre mémoire et histoire (Ed Malika et Actes Sud) 2007 ; Maroc, cités d’art cités d’histoire (Ed Harmattan- Maghreb) 2018. Le signe de la médina : la morphologie urbaine selon Roberto Berardi, en collaboration avec Francesca Privitera, Florence, Université degli Studi di Firenze, 2016, Tanger : Suerte e infortunio de una villa , (livre en espagnol), traduit par Juan Barja, ABADA EDITORES, Madrid, 2019, Ben Yessef, singularité et fortune d’une œuvre, MALIKA éditons, Casablanca, 2022, Tanger, Fortunes et infortunes d’une ville, Malika édition, Casablanca, 2024.

 

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