Le président du CFCM Mohammed Moussaoui clarifie ses propos sur les caricatures

Après une polémique déclenchée par ses propos sur RMC, le président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, a tenu à faire une mise au point dans laquelle il clarifie ses propos et regrette une maladresse dans la formulation, notamment, sur « le renoncement à certains droits pour caricaturer sans offenser », comme le droit de caricaturer le prophète de l’islam dans des postures dégradantes.

Mardi 27 octobre sur RMC, le président du CFCM, Mohammed Moussaoui, a de nouveau appelé les musulmans de France à défendre les intérêts du pays et ignorer les caricatures et a également jugé que « nous pouvons renoncer à certains droits par « devoir de fraternité », comme le droit de caricaturer le prophète « dans des postures dégradantes »

« Je pense qu’il faut savoir renoncer à certains droits, pas pour plaire à certains extrémistes mais pour respecter le droit de caricaturer sans offenser pour que la fraternité puisse s’exprimer. Je pense notamment au droit de caricaturer le prophète de l’Islam Mahomet dans des postures dégradantes », a plaidé M. Moussaoui sur RMC.

Cette déclaration du président du CFCM a été vite interprétée comme une abdication face aux extrémistes, provoquant diverses réactions. Pour ceux qui connaissent l’homme et son sens inné de la responsabilité et de la modération, il s’ agissait plus d’une maladresse que d’une vraie prise de position. Pour d’autres, ce fut l’occasion d’attaquer l’instance représentative du culte musulman qu’ils souhaitent voir disparaitre au profit de certains « temples ».

« Nous traversons des épreuves très difficiles et chaque mot a une résonance considérable », a souligné M. Moussaoui, reconnaissant n’avoir pas « mesuré le lien qui en sera fait avec le sentiment d’abdication face aux terroristes. »

« Ce que je voulais dire, hélas avec maladresse, c’est que face aux terroristes et aux périls que traverse la France, notre attachement à la liberté d’expression doit sans cesse rechercher l’esprit de fraternité. C’est tout le sens de mon combat de républicain et de musulman », s’est-il expliqué dans sa mise au point.

Les extrémistes, « j’en suis convaincu, les caricatures du prophète ne les dérangent nullement. Ils en font même leur raison d’être et un moyen d’exacerber les tensions vitales pour leur idéologie mortifère. Avec le recul, je comprends mieux les réactions qu’ont suscitées mes propos », a-t-il ajouté.

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« Les musulmans de France, comme d’autres, peuvent ne pas aimer les caricatures et user de leur droit d’être critiques à leur égard. Cela doit être fait avec la plus grande vigilance. Nous devons être conscients du risque qu’une expression non maitrisée puisse alimenter une posture victimaire aux conséquences néfastes. Les assassinats commis dans notre pays et en Europe en lien avec les caricatures et dont les auteurs prétendaient défendre l’islam, doivent nous le rappeler », a rappelé M. Moussaoui.

Mohammed Moussaoui a également réaffirmé avec force qu’accuser la France d’islamophobie n’est pas légitime : « S’agissant des réactions du monde musulman, il convient d’observer qu’elles ne prennent pas partout la même forme. Celles qui appellent au dénigrement de notre pays et s’attaquent à ses intérêts doivent être rejetées et dénoncées. Accuser la France d’être islamophobe alors qu’elle compte dans sa population l’une des plus grandes communautés musulmanes d’Europe est une aberration que les musulmans de France doivent rejeter avec toute leur force. »

« Non ! La France n’est pas islamophobe, les Français ne sont pas islamophobes. Les musulmans ne sont pas persécutés en France, ils en sont des citoyens à part entière jouissant de tous leurs droits dont celui d’exercer librement leur culte », a-t-il réitéré.

Atlasinfo a fait le choix de publier dans son intégralité la mise au point de M. Moussaoui:

 

« Mise au point sur la question des caricatures

Mohammed Moussaoui, président du CFCM

 Paris, le 28 octobre 2020

Nous traversons des épreuves très difficiles et chaque mot a une résonance considérable.  Je regrette que l’une de mes expressions au sujet des caricatures ait pu choquer certains. Le fait d’avoir évoqué un possible renoncement à certains droits pour préserver la fraternité est une maladresse sur laquelle je souhaite revenir, m’en expliquer et rappeler par la même occasion ma position sur lesdites « caricatures du prophète Mahomet ».

D’emblée, je tiens à réaffirmer avec force qu’évoquer la publication ou la diffusion des dites « caricatures de Mahomet » pour expliquer un acte de terrorisme, justifier l’assassinat d’un Homme, proférer des menaces ou appeler à la vengeance sous quelle que forme que ce soit est en soi une profanation et une trahison du message du prophète lui-même. Le Prophète de l’islam (PBSL) a toujours ignoré les insultes le visant, n’a jamais cédé à la provocation ou tolérer les actes de vengeance. Dès lors, il est indécent et indigne de s’interroger sur ce qu’a pu montrer notre compatriote Samuel Paty à ses élèves pour qu’une meute d’extrémistes jette son nom à la vindicte et provoque son assassinat lâche et barbare. 

La loi de la République qui est notre règle commune autorise la caricature et la considère comme un mode d’expression libre. Par nature, ce mode d’expression a pour objectif de moquer, de provoquer et de tourner en dérision même ce qui est sacré aux yeux de certains.

Les musulmans de France, comme d’autres, peuvent ne pas aimer les caricatures et user de leur droit d’être critiques à leur égard. Cela doit être fait avec la plus grande vigilance. Nous devons être conscients du risque qu’une expression non maitrisée puisse alimenter une posture victimaire aux conséquences néfastes. Les assassinats commis dans notre pays et en Europe en lien avec les caricatures et dont les auteurs prétendaient défendre l’islam, doivent nous le rappeler.

Aussi, j’invite les musulmans de France à méditer cette tradition musulmane rapportant qu’au passage du prophète Muhammad (PBSL) devant une foule, certains ont crié « Ô Mudammam » (mot arabe signifiant le détestable). Le prophète (PBSL) continua son chemin sans réagir. Certains de ses compagnons ont voulu attirer son attention sur ces cris, il se contenta de leur dire : « ils s’adressent à « Moudammam », moi, je m’appelle Muhammad ». Nous pouvons mentionner également le verset coranique : « Nous savons bien que leurs dénigrements t’oppressent le cœur. Célèbre donc les louanges de ton Seigneur et sois du nombre de Ses adorateurs ! » (Coran 15 : 97-98).

N’est-il donc pas plus conforme à ces traditions que de prendre la distance utile et nécessaire face aux caricatures en les ignorant et en les considérant comme sans aucun rapport avec le Prophète ? En somme, au droit de caricaturer, opposons le devoir d’ignorer et cessons de répondre ou de réagir à ce type d’expression.

Nos compatriotes, qui veulent défendre jusqu’au bout et avec toutes leurs forces le droit de caricaturer, personne ne peut leur en vouloir, tant notre règle commune qu’est la loi de la République les y autorisent. De même, personne ne peut les accuser d’être mus par un sentiment antimusulman. Une telle accusation ne saurait être fondée sur lesdites « caricatures du prophète Mahomet ». Toutes les religions sont moquées et le prophète de l’islam n’est pas leur sujet exclusif.

Si la liberté d’expression donne le droit d’être dans la satire ou l’humour, nous pouvons comprendre que les caricatures mettant un prophète fondamental pour des millions de croyants dans des postures suggestives et dégradantes ne puissent relever de ce droit : on tombe dans la mise en image de représentations négatives et stigmatisantes.

Raison pour laquelle, j’ai évoqué, avec maladresse je le reconnais un possible renoncement à certaines formes de satire en invoquant le devoir de la fraternité. Ce faisant, je n’avais pas mesuré le lien qui en sera fait avec le sentiment d’abdication face aux terroristes. Ces derniers, j’en suis convaincu, les caricatures du prophète ne les dérangent nullement. Ils en font même leur raison d’être et un moyen d’exacerber les tensions vitales pour leur idéologie mortifère.  Avec le recul, je comprends mieux les réactions qu’ont suscitées mes propos sur la chaîne RMC.

Par ailleurs, contrairement à ce qui a été diffusé comme étant mes propos, j’ai rappelé lors de mes interventions que la liberté de caricaturer, comme toutes les autres, n’est pas absolue. Et à l’instar de toutes les libertés, elle est soumise au même encadrement fixé par les institutions garantes de notre État de droit. En disant cela, il est évident que je n’ai pas remis en cause la liberté elle-même ni appelé à lui assigner un encadrement spécifique.

A l’occasion de la rentrée scolaire après les vacances de la Toussaint, des initiatives visant à diffuser lesdites caricatures dans les établissements de l’enseignement pourrait être mises en place. J’ai rappelé que ces caricatures ne sont pas et ne doivent pas être le seul support pédagogique pour illustrer la liberté d’expression. De leur côté, les musulmans de France doivent faire confiance au sens de responsabilité des enseignants et des institutions éducatives. Face aux élèves, ils sauront trouver les mots et les gestes appropriés dans pareilles situations.

Les parents doivent, quant à eux, préparer leurs enfants à ces moments pédagogiques en leur rappelant le devoir de respecter l’enseignant en toute circonstance et la nécessité de faire des efforts pour mieux comprendre cette culture de la caricature et sa place parmi les modes d’expression dans notre société.

S’agissant des réactions du monde musulman, il convient d’observer qu’elles ne prennent pas partout la même forme. Celles qui appellent au dénigrement de notre pays et s’attaquent à ses intérêts doivent être rejetées et dénoncées. Accuser la France d’être islamophobe alors qu’elle compte dans sa population l’une des plus grandes communautés musulmanes d’Europe est une aberration que les musulmans de France doivent rejeter avec toute leur force. Non ! La France n’est pas islamophobe, les Français ne sont pas islamophobes. Les musulmans ne sont pas persécutés en France, ils en sont des citoyens à part entière jouissant de tous leurs droits dont celui d’exercer librement leur culte. Ils sont cibles d’actes antimusulmans et d’une parole raciste libérée. Nos concitoyens d’autres confessions sont également victimes d’actes hostiles. Ces différents actes sont combattus par les pouvoirs publics et sanctionnés par de nombreuses décision de justice de notre pays.

Ce que je voulais dire, hélas avec maladresse, c’est que face aux terroristes et aux périls que traverse la France, notre attachement à la liberté d’expression doit sans cesse rechercher l’esprit de fraternité. C’est tout le sens de mon combat de républicain et de musulman. »

 

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