Sorties de coma et troubles de la conscience: des cas rarissimes qui fascinent

L’histoire d’une femme qui a repris connaissance 27 ans après de graves blessures cérébrales a fait grand bruit cette semaine, mais attention, préviennent les experts: ces cas sont rarissimes et dire qu’elle s’est "réveillée d’un coma" est simpliste, car "ce n’est pas comme dans les films".

. Qu’est-il arrivé à cette femme?

Mounira Omar, une femme émiratie, avait 32 ans lorsqu’elle a été blessée dans un accident de la circulation, en 1991. De graves lésions cérébrales l’ont plongée dans un état d’inconscience dont elle est finalement sortie en mai 2018.

"J’ai toujours cru que l’état de santé de ma mère allait s’améliorer", a déclaré à l’AFP son fils Omar, 32 ans, qui avait lui-même survécu à l’accident et a rendu son histoire publique cette semaine.

. Peut-on parler de "réveil"?

Non, pas si on entend par là que "la patiente se serait soudainement réveillée après un long sommeil", a lui-même affirmé au magazine Der Spiegel le docteur allemand qui l’a suivie, Friedemann Müller.

Cette femme n’était en fait pas dans le coma proprement dit, mais dans un état de conscience minimale, depuis un temps indéterminé: elle pouvait déjà "regarder quelque chose brièvement et réagir en voyant le visage de son fils", selon le Dr Müller.

Appelés "troubles de la conscience", les états provoqués par des lésions cérébrales sont complexes. Schématiquement, ils sont classés en trois stades: le coma (les malades ne sont ni éveillés ni conscients), l’état végétatif ou "état d’éveil non-répondant" (les malades sont éveillés mais inconscients) et enfin l’état de conscience minimale.

Ce dernier terme s’applique à des malades "sortis d’un état végétatif avec potentiellement un peu de perception consciente", dit à l’AFP le neurologue Benjamin Rohaut, de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM, Hôpital Pitié Salpêtrière à Paris).

Ainsi, un malade en état de conscience minimale peut suivre quelqu’un du regard ou tenter de retirer son bras si on le pince pour tester sa perception de la douleur.

"Techniquement, cette femme était déjà réveillée", explique à l’AFP le docteur Martin Monti, spécialiste du cerveau à l’Université de Californie. "Pour autant, elle a sans nul doute émergé d’un état de troubles de la conscience", poursuit-il.

Elle l’a fait de façon très progressive, jusqu’à en arriver à "prononcer le nom de son fils, nous saluer ou citer des versets du Coran", selon le Dr Müller.

. Ces cas sont-ils fréquents?

"Ils sont extrêmement rares, et c’est pour ça qu’ils font les gros titres", indique la Pr Jenny Kitzinger, chercheuse spécialisée dans les troubles de la conscience à l’Université de Cardiff.

Elle relève que "les médias en donnent parfois une vision idéalisée": "Il est important de ne pas généraliser en pensant que chaque patient peut, entre guillemets, +se réveiller+".

"Il faut aussi réfléchir à ce que signifie réellement le fait de +se réveiller+ après des années de troubles de la conscience: ce n’est pas comme dans les films", insiste-t-elle.

. Comment expliquer cette amélioration?

Friedemann Müller dit avoir mis en oeuvre une approche globale: travail sur les muscles pour combattre la spasticité (phénomène de contraction dû aux lésions cérébrales), physiothérapie, exposition à de multiples stimuli (contacts avec les proches, sons, etc.)

"On appelle ça une approche holistique: elle vise à stimuler au maximum le potentiel de récupération", selon Benjamin Rohaut.

En outre, l’équipe allemande dit avoir adapté le traitement antiépileptique de la patiente.

Dans les cas de lésions cérébrales, "il arrive qu’on traite à tort des choses qu’on pense être de l’épilepsie. Or, beaucoup de médicaments antiépileptiques ont un effet sédatif", selon Benjamin Rohaut.

. Quelles conditions de vie pour cette femme désormais?

Le Dr Müller assure qu’elle "peut interagir consciemment avec son environnement et revenir à une vie de famille".

Cela étant, vu la gravité de ses lésions cérébrales, "personne ne peut imaginer qu’elle redevienne par miracle exactement la personne qu’elle était auparavant", nuance le Dr Monti. "Mais avoir retrouvé sa pleine conscience et être capable d’interagir avec sa famille et son environnement a dû considérablement améliorer sa qualité de vie".

S’il est déjà compliqué de prédire comment récupérera un patient classique, la durée exceptionnelle des troubles de la conscience expérimentés par Mounira Omar ajoute une incertitude supplémentaire.

Selon la Pr Kitzinger, "il est possible de récupérer relativement bien d’une courte période de troubles de la conscience, mais plus cette période est longue, plus la récupération risque d’être limitée".

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