« L’essentiel, c’est qu’il n’y a eu aucun vote contre », a commenté dans la foulée du vote le patron du groupe majoritaire Gilles Le Gendre, devant la presse. Sonia Krimi, qui a un temps envisagé de voter contre, a voulu « envoyer un signal » pour que le gouvernement évolue sur la disposition clé des interdictions préventives de manifester pouvant être prises par les préfets. Plusieurs redoutent à l’avenir que ces représentants de l’État soient aux mains d’un « régime malintentionné ».
Dans le groupe MoDem allié de la majorité, quatre députés se sont abstenus et un, Brahim Hammouche, a voté contre cette proposition « incertaine et confuse », pour que « demain ne rime pas avec gueule de bois ». Le numéro un de LREM, Stanislas Guerini, avait récusé d’avance toute « fronde » : sous François Hollande il s’agissait d’« une opposition fondamentale avec la politique qui était portée » et « ce n’est pas le cas ici ».
Une loi « dramatiquement bête »
Plusieurs avocats de renom, dont deux proches d’Emmanuel Macron, se sont élevés contre une « loi de la peur » (François Sureau) ou « une réponse d’un pouvoir qui agit sous la pression et dans l’urgence » (Jean-Pierre Mignard). L’ex-député européen Daniel Cohn-Bendit a considéré auprès de l’AFP que « cette loi ne sert à rien » et est « dramatiquement bête ».
Outre les interdictions de manifester pouvant être prises par les préfets, sous peine de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende, il est également prévu la possibilité de fouilles pour trouver des « armes par destination », sur réquisition du procureur, et encore le principe du « casseur-payeur ».
Le texte sera examiné au Sénat en deuxième lecture le 12 mars, le gouvernement souhaitant une adoption définitive rapide dans le contexte des manifestations récurrentes des Gilets jaunes. Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, qui entend donner des gages à certains syndicats policiers, a répété mardi que ce n’est « pas une loi de la peur », « pas une loi de circonstance, mais une loi de bon sens » à l’égard des « brutes » qui empêchent de manifester.
Une manifestation en même temps
Hasard du calendrier, plusieurs dizaines de milliers de personnes défilaient dans le même temps partout en France, à l’appel principalement de la CGT, mais aussi pour la première fois avec la participation de Gilets jaunes.
La gauche a dénoncé un texte « inique » (PS), « anti-Gilets jaunes » (PCF) et porteur d’une « dérive autoritaire », à l’unisson de certains syndicats et associations. Fustigeant « une loi scélérate », les Insoumis avaient cherché en vain la semaine dernière à obtenir l’interdiction des lanceurs de balles de défense, qui ont provoqué de nombreuses blessures graves.
Avec les interdictions préalables de manifester, « on se croit revenu sous le régime de Vichy », avait tonné la semaine dernière Charles de Courson, dont le groupe Libertés et territoires a voté majoritairement contre.