Le Maroc, un pays de diversité culturelle et religieuse, vu par Eugène Delacroix

"La noce juive au Maroc est une œuvre attestant de la diversité culturelle et religieuse, ancrée dans ce pays qui a marqué l’imagination et l’imaginaire d’Eugène Delacroix", a indiqué, jeudi à Rabat, l’écrivain et spécialiste en soufisme, Mohammed Faouzi Skali Alami.

Dans une allocution lors de la troisième séance d’un colloque international consacré à "La palette marocaine d’Eugène Delacroix de 1832 à 1863", organisé par l’Académie du Royaume du Maroc, M. Skali Alami décrit la noce juive à Tanger tel un reflet de l’autre Orient, celui d’une fête judéo-mauresque qui dépasse l’exotisme et qui contraste la variété des attitudes, des coutumes et surtout des religions judéo-islamiques.

Il a, en outre, élucidé le rôle des personnalités soufies qui ont croisé le chemin de l’artiste, durant son séjour au Maroc, notamment le Sultan Moulay Ismail qui a permis aux confréries de s’épanouir comme centres spirituels, l’émir Abd el-Kader ou encore Maalainain, qui témoignaient d’une chevalerie spirituelle et des valeurs de noblesse et d’humilité.

"Avant d’atterrir au Maroc, Delacroix avait une fascination exceptionnelle pour l’Orient, ainsi il entrepris un voyage sous l’auspice de l’interrogation de soi qui va le choquer et le fasciner en même temps", commente le spécialiste en soufisme.

Pour lui, le Maroc est profondément imprégné par le soufisme, les confréries et un art de vivre fort de ses valeurs et fait de souplesse et de détachement.

Rappelant le rôle de Delacroix qui était d’accompagner la mission diplomatique française, M. Skali met en avant le refus du peintre à mettre en relief l’aspect pittoresque de ses œuvres et prend une distance de cet orientalisme pictural de l’époque pour subjuguer le regard du conquérant et le désarmer face à une œuvre artistique qui plaça le Sultan Moulay Abderrahman, sortant de son palais de Meknès, dans une vision fantasmatique et imaginaire d’un Orient qui n’est que l’incarnation des craintes de l’Occident et de son sentiment de supériorité.

Pour Fayza Benzina, professeur d’histoire de l’art à la faculté des sciences humaines et sociale de Tunis, Delacroix, passeur d’informations sur le Maroc, devient un relais vis-à-vis de l’opinion occidentale et témoigne artistiquement sur une autre civilisation. Ses œuvres permettront de satisfaire l’opinion publique occidentale, en mal de rencontre avec un Orient fantasmé.

"Delacroix répond à ces attentes par ses magnifiques tableaux, mêlant le "hayk" le "bournous", le chapelet , le parasol, symbole même du pouvoir Royal au Maroc", expose Mme Benzina, évoquant en ce sens une audience à laquelle le peintre a assisté, pendant son voyage au Maroc.

Delacroix s’est mis à peindre avec des coloris exquis ayant un effet sur l’imaginaire, laissant ainsi de côté les palettes sombres utilisées avant son arrivée au Maroc.

"Ces couleurs ne faisaient pas partie des éléments de Delacroix. En France, il utilisait une palette beaucoup plus terne, plus sobre, mais à son arrivée au Maroc, dans ce haut lieu de lumière et de couleur, voyant cette luminosité qui l’a extasié et en mème temps ces couleurs dominantes de rouge, de vert, de jaune, de blanc, toute sa palette va être transformée", a affirmé Mme Benzina dans sa déclaration à la MAP.

Quant à lui, le professeur habilité au centre régional des métiers d’éducation et de formation à Fès, Rabie Robay, revient sur la transformation personnelle et artistique d’Eugénie Delacroix.

Les visions contradictoires sont une problématique de véracité et de perception qui rappelle que le regard est le grand révélateur non pas de ce qui est regardé, mais de celui qui regarde, de son capital culturel, de son arrière-plan idéologique, voire des tendances psychiques, philosophe-t-il.

Le colloque international sur "La palette marocaine d’Eugène Delacroix de 1832 à 1863", organisé du 11 au 13 septembre par l’Académie du Royaume du Maroc à son siège, constitue un temps fort d’échanges et de réflexion dans un jeu de regards croisés, pour mieux comprendre l’artiste et son temps.

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