L’exécutif veut mieux couper les chemins vers la délinquance et la radicalisation

Un an après la présentation d’un plan contre la radicalisation jihadiste, le Premier ministre Edouard Philippe s’apprête à creuser davantage le sillon de la prévention en s’attaquant plus largement aux racines de la délinquance, lors d’un comité interministériel délocalisé à Strasbourg.

Le choix de la capitale alsacienne ne tient pas au hasard, quatre mois jour pour jour après l’attentat qui a endeuillé le marché de Noël faisant cinq morts.

Pour Matignon, l’auteur de la tuerie jihadiste est une illustration d’une "dérive dans la délinquance qui se transforme en dérive dans la radicalisation". Elève très tôt violent – signalé par l’Education nationale dès huit ans – délinquant précoce, Chérif Chekatt, tué par la police après deux jours de traque, a multiplié les condamnations et les séjours en prison avant de verser dans la violence jihadiste.

C’est dans le quartier réputé sensible du Neuhof qu’Edouard Philippe et plusieurs membres du gouvernement, dont Christophe Castaner, iront visiter une association qui oeuvre à la lutte contre la délinquance et la radicalisation, ancrée dans son territoire.

Car pour l’exécutif, le constat est simple: "Il faut intervenir plus tôt et plus vite", et être présent "là où les jeunes se trouvent": sur internet et les réseaux sociaux, mais aussi "dans la rue" ou encore dans les clubs de sport. Le Premier ministre fera d’ailleurs son discours dans un gymnase.

Comment? Le gouvernement veut nourrir sa nouvelle stratégie de prévention de la délinquance d’une grande concertation avec les élus et les associations.

Mais deux grandes pistes sont déjà établies: élargir la prévention à des enfants plus jeunes, quand la politique des dernières années était focalisée sur les 12-25 ans. Et "réinvestir le terrain de la médiation", en intervenant auprès des familles tout en renforçant le rôle des élus locaux et des associations.

Les résultats de la concertation sont prévus avant l’été 2019 avec à la clé de premières expérimentations.

Pas question cependant de délier les cordons de la bourse. "Les moyens ne suffisent pas à tout résoudre", avance-t-on à Matignon au risque de décevoir le milieu associatif qui déplore le désengagement financier de l’Etat, comme la fin des contrats aidés.

Cette initiative doit avoir lieu en parallèle de deux chantiers ouverts par l’exécutif: l’amélioration de la protection de l’enfance et la prise en charge des enfants placés; et la réforme de l’ordonnance pénale des mineurs, sujet toujours délicat politiquement, dont les premiers arbitrages sont attendus d’ici "fin mai ou début juin", selon Matignon.

Plus d’un an après la présentation à Lille en février 2018 d’un premier plan axé principalement sur la prison ou l’éducation, le comité doit aussi en faire un premier bilan.

Après l’expérience ratée du centre de Pontourny (Indre-et-Loire) lancé par le gouvernement Valls, l’exécutif a remisé les mesures tonitruantes et assume désormais d’avancer à tâtons: "Il n’existe aucune formule magique et instantanée pour +déradicaliser+".

Matignon souligne toutefois les actions entreprises dans le cadre de la lutte contre la radicalisation islamiste: quatre écoles hors contrats ont été fermées et la récente loi Gatel a bloqué l’ouverture de 15 établissements. Ont également été fermés sept lieux de culte et 89 débits de boissons

Dans les prisons, des "quartiers d’évaluation de la radicalisation" permettent d’évaluer quelque 400 détenus par mois, selon Matignon et de placer les détenus dans des quartiers "étanches", ou dans une détention classique mais suivie par des équipes spécialisées, dont font partie par exemple des aumôniers musulmans.

L’attaque au couteau de Condé-sur-Sarthe (Orne), commise début mars sur des gardiens par un détenu radicalisé et son épouse, a toutefois prouvé la permanence du problème.

Pour les détenus libérés, deux centres gérés par le groupe SOS de Jean-Marc Borello sont opérationnels à Paris et Marseille. Deux autres doivent suivre à Lyon et Lille dans les prochains mois.

Dernière initiative en date: le lancement début avril d’un Conseil scientifique de la prévention de la radicalisation. Il doit donner accès à des chercheurs à quelque 10.000 fiches du Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).

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