France: la grève continue contre la réforme des retraites, des manifestations tendues

La mobilisation en France contre la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron s’installait samedi dans la durée pour tenter de faire plier le gouvernement, avec des manifestations tendues dans le pays et des transports très perturbés, avant des annonces cruciales la semaine prochaine.

Pour le président Emmanuel Macron, qui a fait de la "transformation" de la France le leitmotiv de son quinquennat, les jours à venir s’annoncent déterminants.

Après une mobilisation massive jeudi – plus de 800.000 manifestants dans le pays selon le ministère de l’Intérieur – et le lancement d’une grève qui affecte très fortement le trafic ferroviaire et les transports en commun, TGV et métro parisien compris, les syndicats ont appelé à une nouvelle journée de manifestations mardi.

Celle-ci aura valeur de test à la veille de la présentation, annoncée pour mercredi par le Premier ministre Edouard Philippe, de la réforme dans son détail.

Plusieurs cortèges, certains émaillés de tensions et comprenant parfois des "gilets jaunes", ont défilé samedi à Paris et en province. La police a compté 2.800 manifestants à Nantes (ouest), 1.800 à Marseille (sud), 1.200 à Caen (nord-ouest), 1.100 à Bordeaux (sud-ouest), 800 à Lille (nord) et au Havre, 700 à Lyon (centre-est).

– "Le retrait du projet" –

Les trois premiers syndicats de cheminots ont appelé à amplifier la mobilisation contre le projet de "système universel" de retraite par points, qui doit sonner la fin des 42 dispositifs actuels, dont le régime spécial de la compagnie ferroviaire nationale SNCF, et modifier le système de calcul des pensions.

"Nous appelons (…) au renforcement du mouvement à partir de lundi pour bien matérialiser auprès du gouvernement que nous voulons le retrait de son projet par points", a déclaré Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots.

Le numéro un du syndicat CGT, Philippe Martinez, qui défilait à Paris avec 1.600 manifestants selon la préfecture, s’est montré cinglant envers le Premier ministre Edouard Philippe: "Il fait tout pour que la mobilisation et les grèves durent".

Au même moment, une autre manifestation, celle-ci de "gilets jaunes", rassemblait environ un millier de personnes dans la capitale et donnait lieu à quelques incidents avec les policiers, mobilisés en force et qui ont fait usage de gaz lacrymogènes.

A Nantes également, la manifestation a dégénéré quand des manifestants ont attaqué la préfecture, en jetant bouteilles, pavés, mais aussi fusées, la police ripostant par des tirs de lacrymogène. D’autres heurts ont eu lieu à Lyon.

La retraite est un sujet éminemment sensible en France, où existe un système par répartition, que le gouvernement assure ne pas vouloir remettre en cause. Les opposants les plus virulents, qui craignent une "précarisation", espèrent faire durer le mouvement et mettre le pays à l’arrêt comme en décembre 1995. La mobilisation d’alors avait paralysé les transports en commun durant trois semaines et forcé le gouvernement de l’époque à reculer, déjà, sur un projet de réforme des retraites.

Le contexte social est en outre tendu, depuis le mouvement social inédit des "gilets jaunes" fin 2018, mais aussi des mécontentements exacerbés dans les hôpitaux, parmi les étudiants, les cheminots, les policiers, les sapeurs-pompiers, les enseignants, les agriculteurs.

Samedi, seuls 15% des trains de banlieue en région parisienne, un train à grande vitesse (TGV) sur six et un train régional sur dix étaient assurés à travers la France. Neuf lignes du métro parisien (RATP) sur 14 étaient fermées.

Plusieurs représentations prévues ce week-end à la Comédie-Française et à l’Opéra de Paris – où existent aussi des régimes spéciaux de retraite – ont de nouveau été annulées, tandis que des musées parisiens n’ont ouvert que partiellement.

– "Chacun sera perdant" –

Le Premier ministre Edouard Philippe a promis qu’il livrerait mercredi prochain "l’intégralité du projet du gouvernement".

Des réunions autour du projet de réforme des retraites se succèdent ce week-end autour du Premier ministre, ont indiqué, sans autre détail, les services d’Edouard Philippe à l’AFP.

Mais y aura-t-il matière à éteindre l’incendie dans ces annonces très attendues?

"Le calendrier est bouleversé mais rien ne change dans l’objectif du gouvernement: casser notre régime de retraite solidaire pour le remplacer par un système individualisé où chacune et chacun sera perdant", a estimé la CGT, où des voix militent déjà pour une troisième journée de mobilisation jeudi prochain.

Le gouvernement a plusieurs foyers à éteindre, et pas seulement sur les régimes spéciaux.

Il doit notamment répondre aux inquiétudes des enseignants, qui craignent que leurs pensions baissent avec les nouvelles règles de calcul. Le Premier ministre s’est engagé à une "revalorisation progressive" de leur traitement.

De leur côté, les professionnels du commerce et du tourisme en France commencent à faire part de leur inquiétude sur les conséquences d’un mouvement social potentiellement durable, à quelques semaines des fêtes de fin d’année.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite