Dix ans de prison requis contre la soeur aînée des jihadistes Fabien et Jean-Michel Clain

Un projet "mûrement réfléchi", inscrit dans une trajectoire familiale "incontestablement jihadiste": le parquet de Paris a requis mercredi dix ans de prison contre la soeur aînée des frères Clain, qui furent les voix françaises du groupe Etat islamique, pour avoir tenté de les rejoindre en Syrie.

Anne Diana Clain, 44 ans, avait quitté la France en août 2015 avec son mari Mohamed Amri, leurs trois enfants et son fils issu d’une précédente union, tous mineurs.

Ils avaient échoué à atteindre les zones tenues par l’organisation Etat islamique (EI) en Syrie, où se trouvait déjà toute la famille d’Anne Diana: sa mère, ses frères Fabien et Jean-Michel qui ont revendiqué les attentats du 13 novembre 2015 au nom du groupe jihadiste, sa demi-soeur, ses deux filles aînées…

Interceptés à la frontière turco-syrienne en juillet 2016, ils avaient été expulsés en septembre 2016.

La procureure a requis la peine maximale, dix ans d’emprisonnement avec deux tiers de sûreté, contre les époux jugés pour association de malfaiteurs à visée terroriste.

Pour la magistrate, ce projet "certes avorté" était "mûrement réfléchi", et surtout inscrit dans une trajectoire familiale "incontestablement jihadiste", à une époque où l’EI "enchaîne les attentats meurtriers" que les frères Clain "revendiquent clairement".

Anne Diana Clain et Mohamed Amri, détenus depuis plus de trois ans, ont livré des récits divergents au tribunal correctionnel.

Mohamed Amri, un Tunisien de 58 ans qui a joué un rôle central dans la conversion à l’islam des Clain, a assuré qu’il n’était pas question de s’établir en Syrie mais de rendre visite à la famille Clain.

Pointant son "attitude de déni et d’obstruction", la procureure a requis contre lui une interdiction définitive du territoire français.

"Posture" ?

Anne Diana Clain, quant à elle, a expliqué qu’il s’agissait de partir vivre en famille dans une "utopie" islamiste, à une époque où elle soutenait la charia.

Cette femme déscolarisée en 4ème, mère de six enfants, affirme aujourd’hui avoir été aveuglée par ses frères et l’idéologie de l’EI, dont elle assure être "sortie". "J’ai mis des oeillères" pour ne pas voir "le mal", disait-elle mardi.

La procureure a dit "douter de sa totale sincérité", estimant qu’Anne Diana Clain "se retranche derrière cet aveuglement" dans une "posture destinée à masquer sa dangerosité".

Aux yeux de la magistrate, le couple, en prenant la route, connaissait pertinemment les exactions commises par l’EI et les hautes fonctions de propagandistes occupées par Fabien et Jean-Michel Clain.

Mme Clain, décrite comme influençable et vivant "dans un monde déformé par une idéologie romantique adolescente" dans un rapport psychologique de 2017, a affirmé avoir mené un long "travail" en prison pour comprendre qu’il s’agissait d’une "idéologie fanatique" qui a "anéanti" sa famille.

Quand elle a appris la mort de ses frères en février 2019, elle dit avoir ressenti de la tristesse, puis le "choc énorme de réaliser que mes frères sont vraiment des terroristes".

La procureure a demandé pour elle un suivi socio-judiciaire de trois ans.

La défense a demandé au tribunal de juger le couple pour ce qu’il est, "des vélléitaires", pas pour le parcours mortifère des frères Clain.

"La radicalisation des frères Clain n’a pas eu besoin de M. Amri", qui se dit opposé au jihadisme, a soutenu son avocate, Louise Dumont Saint Priest.

Les défenseurs d’Anne Diana Clain, Xavier Nogueras et Martin Desrues, ont plaidé pour une peine "cohérente", "inférieure à sept ans", pour une femme qui aspire à "retrouver ses enfants et une vie normale".

"Elle est celle qui incarne à ce jour le seul espoir de cette famille maudite qui représente la mort et qui a du sang sur les mains", a plaidé Martin Desrues.

En fin d’audience, Anne Diana Clain, émue, a "demandé pardon" à ses enfants pour leur avoir "gâché la vie".

Jugement dans la soirée.

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